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chacun selon ses désirs. Au premier qui l’a consultée elle a répondu que l’air, s’il était entraîné de haut en bas, s’échaufferait par compression, que dès lors il ne pourrait y avoir de pluie dans un tourbillon descendant. À l’autre elle a dit que la chaleur de compression serait absorbée par la vaporisation des lambeaux de nuages, formés d’eau et d’aiguilles de glace, qu’entraînerait avec lui le courant descendant, qui arriverait au sol, saturé de vapeur et très froid. Il faut, on le voit, renoncer à cet argument à deux tranchans. On s’est encore demandé si la thermodynamique pouvait indiquer la source de l’énorme force vive que possède un ouragan, et qui doit être incessamment renouvelée à mesure qu’elle s’use par le frottement, par la résistance du milieu ambiant, et par les ravages qu’elle exerce. Le terrible cyclone du 10 octobre 1780, qui s’étendit sur toutes les Antilles et jusque dans le nord de l’Atlantique, fit sombrer une centaine de navires, arracha des bancs de corail du fond de la mer, renversa les plus solides édifices, et, sur quelques îles, ne laissa rien debout, ni arbres ni demeures : à Sainte-Lucie, six mille personnes furent ensevelies sous les décombres ; à la Martinique, le nombre des victimes dépassa neuf mille. L’ouragan de 1844, qu’on appelle « l’ouragan de Cuba, » fit sombrer ou démâta soixante-dix navires, et produisit à la Havane seulement, dans l’espace de quelques heures, des ravages estimés à plus de 20 millions de francs. Or, ces effets destructeurs, qui frappent l’imagination, sont bien peu de chose au prix du travail mécanique total accompli par le vent qui alimente le cyclone, en ne tenant même pas compte de la force incessamment dépensée à soulever les flots. D’après Redfield, le cyclone de Cuba couvrait un espace de 500 milles ; en ne considérant qu’un cylindre de 320 kilomètres de diamètre et d’une hauteur de 100 mètres, et en supposant que le vent s’écartait d’environ 6 degrés de la direction tangentielle lorsqu’il s’engouffrait dans le cyclone avec une vitesse de 40 mètres par seconde (144 kilomètres par heure), M. Reye a calculé qu’au bout de cinq heures la masse d’air contenue dans cet immense cylindre se trouvait déjà complètement renouvelée. Les 500 millions de kilogrammes d’air que les poumons de la tempête aspirent chaque seconde représentent 40 milliards de kilogrammètres, soit au bas mot une force de 500 millions de chevaux-vapeur, mise en œuvre durant trois jours : c’est, dit l’auteur, au moins quinze fois ce que peuvent fournir, dans le même temps, tous les moulins à vent, roues hydrauliques, machines à vapeur, locomotives, hommes et animaux du monde entier. Où faut-il chercher la source de ce prodigieux travail moteur ? M. Reye la trouve dans les pluies qui accompagnent les cyclones. En prenant la moyenne des données qu’on possède pour