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Sur d’autres points de la France, il y a eu des attentats ou des essais d’attentats du même genre qui semblent n’être que l’exécution des programmes d’une secte implacable, procédant tantôt par les mots d’ordre ténébreux, tantôt par les excitations furieuses dans les réunions publiques.

Ce n’est donc que trop évident. L’incident de Montceau-les-Mines n’a été qu’un prélude, un premier symptôme. Tout démontre l’existence d’une organisation occulte ayant peut-être ses chefs à l’étranger, essayant d’enlacer le pays de ses replis, poussant les populations industrielles en avant dans une lutte funeste. Et qu’on remarque bien ce qu’il y a de nouveau, de caractéristique dans ce mouvement qui prend pour prétexte l’intérêt des ouvriers. Autrefois du moins, dans les programmes socialistes, dans les propagandes révolutionnaires et dans les grèves qui en étaient trop souvent la suite, il y avait des théories plus ou moins philosophiques, des revendications raisonnons, des idées ou des apparences d’idées. Il y avait dans tout cela, il est vrai, de grands et dangereux sophismes ; mais ces sophismes faisaient encore une certaine figure. Aujourd’hui, on ne prend pas même la peine d’avoir une idée, un système de rénovation sociale. Le seul programme avoué et réel, c’est la destruction de tout ce qui existe, des institutions et des lois, de la magistrature et de l’armée, de l’industrie dont on vit, du capital qui est le ressort du travail — et au besoin de M. le président de la république lui-même. Oui vraiment, dans des réunions prétendues populaires, il se trouve des énergumènes prêchant ouvertement le meurtre, se déclarant prêts à assassiner, si l’auditoire le veut bien, M. le président de la république ou M. le commissaire de police présent à la séance. À ceux qui demandent comment on résoudra le problème de rendre l’ouvrier l’égal du patron on répond sans façon qu’il n’y a qu’un moyen bien simple : « le poignard et la dynamite. » Voilà qui est clair et net ! Avec la dynamite on fera sauter Notre-Dame de Fourvières et le palais de justice de Lyon. On détruira les juges, on détruira les patrons, on détruira le gouvernement, — après quoi on s’arrangera comme on pourra, chacun fera ce qu’il voudra : c’est pour le moment l’idéal suprême de « l’anarchisme. » Et tout cela se dit, et, qui pis est, se pratique ! Ces étranges propagandes, auxquelles on laisse toute liberté, trouvent dans les masses obscures assez d’adhérens, non pas pour créer un véritable danger le jour où l’on serait bien décidé à leur tenir tête, mais pour émouvoir et troubler une société par des actes qui sont le déshonneur d’une civilisation.

La population ouvrière n’en est sûrement pas tout entière à accepter ces tristes influences. Le malheur est que, sans s’en douter, elle subit souvent la tyrannie des agitateurs qui se servent d’elle, que les instincts de violence se glissent parfois dans ces disputes de salaires qui se multiplient, dans ces grèves qui se succèdent. On le voit encore aujour-