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d’abord à eux. Ce plan n’est pas moins normal quand le navire, après campagne, regagne le fond du port ; il trouve les dépôts de matériel dans l’ordre où il doit le rendre, et il parvient, sans un mouvement inutile, de la rade au terme de sa route, la forme de radoub. Seuls les projectiles et les poudres ne sont pas à leur place logique dans cette organisation ; mais pour mettre l’établissement à l’abri d’une explosion toujours à craindre, il importe de les isoler sur un point éloigné de la rade. On paie cette sécurité par la lenteur des chargemens et déchargemens qu’il faut faire, exposé aux mouvemens de la mer. Mais les lenteurs n’ont pas ici grande importance, même en guerre ; les munitions sont les approvisionnemens que les navires, sauf les bâtimens-écoles, consomment le moins.

Tel est le plan général à exécuter dans les ports. Indépendant des modifications que subit l’architecture navale, il est fait pour offrir aux flottes les plus diverses une utilité permanente.

Ce que ces changemens rendent moins durable, c’est l’outillage de chaque service. Il varie avec le matériel qu’il est destiné à produire et à manier. Par suite, il n’est pas possible de donner, comme pour le tracé des ports, des indications fixes. Il suffit de dire que, dans le mouvement ascensionnel des forces industrielles, l’état ne doit se laisser dépasser par personne et que les moyens les plus puissans et les plus rapides ont leur place dans les arsenaux.


IV

Si l’on considère combien sont rares sur le littoral les positions où soient réunis les élémens d’un port militaire, combien sont bornés les efforts de l’homme pour suppléer à la nature, et l’énorme coût dont il paie toute lutte avec elle, on est conduit à celle conclusion que les arsenaux ne peuvent être nombreux. Si l’on interroge l’intérêt stratégique, on est conduit à cette conclusion que des arsenaux nombreux seraient nuisibles.

Les navires ont cessé d’être les vagabonds de la mer, et le port n’est plus un asile qu’ils mendient partout où les peut jeter le hasard. Maîtresses de leur direction et de leur marche, les flottes ont éliminé de la guerre maritime le hasard par le calcul. Il détermine sur le littoral les points où il convient qu’elles se préparent, se refassent et, si elles échouent, se retirent : les ports sont des bases d’opération. Dans les opérations, on l’a vu, l’une des plus grandes causes de succès est la promptitude, et la promptitude est surtout due à la bonne organisation des ports. Mais de deux flottes, également maritimes et sortant de ports aussi parfaits, laquelle aura l’avantage ? Celle qui aura le moins de distance à parcourir du lieu où elle s’est formée au lieu où elle doit agir. C’est un axiome de l’art militaire