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Est-ce l’industrie qui réduit aux proportions les plus faibles cet élément du prix de revient ?

Pour le connaître, il faut considérer dans leur ensemble la marche des usines que dirigent les particuliers et celles où commandent les fonctionnaires. Alors seulement apparaît à quel point les procédés de l’industrie concourent à la réduction des dépenses et ceux de l’état à leur accroissement. L’industrie se forme par le gain, vit par le gain et ne saurait l’attendre que du travail. Pour l’emporter dans la faveur du public, il faut lui offrir des avantages, au premier rang desquels est le bon marché des produits ; pour garder cette conquête, il la faut refaire chaque jour et la lutte élimine sans cesse ceux qui se laissent dépasser. L’économie n’est donc pour l’industrie que l’instinct de la conservation. Dans ce combat pour l’existence, tout lui peut être occasion de salut ou de perte. Elle est obligée de connaître les progrès qui s’accomplissent. Elle est obligée de prévoir les fluctuations des marchés où elle puise, et elle sait profiter des chances heureuses, si passagères soient-elles, par la célérité de ses révolutions et la rapidité de ses mouvemens. Les considérations de sentiment, les questions de frontières ne l’émeuvent, ni n’arrêtent la rigueur de ses calculs ; qu’elle ait besoin de matériaux, de machines ou d’hommes, elle les prend à l’étranger comme en France, sans avoir à consulter que son avantage et leur valeur. Ennemie de tout ce qui augmente les dépenses, elle hait tout ce qui perd du temps. Autorité, exécution, contrôle, tout chez elle est simple parce qu’elle doit compte à elle seule, rapide parce qu’il serait trop tard de juger ses actes après l’événement, précis parce que l’obscurité lui cacherait peut-être la ruine. Cet esprit d’ordre ne s’est pas épuisé quand il a conçu et réglé tous les rouages. Ce n’est que le commencement de sa tâche. Quel art de répartir les élémens des travaux et de produire une progression régulière de l’ensemble ! Quel soin, tandis qu’ils s’accomplissent, de prévoir leur achèvement ! Quelles tentatives pour s’assurer d’avance en leur place de nouveaux labeurs ! Ainsi l’instrument ne va jamais à vide, et ses frais généraux, toujours partagés entre une grande quantité de productions utiles, ne chargent aucune avec excès. Si, malgré ces efforts, le travail devient insuffisant, les dépenses se réduisent. Le personnel superflu diminue, les outils inactifs disparaissent, elle réduirait de même ses établissemens s’ils cessaient de produire. Tout ce qui est onéreux est détruit. Aucune considération ne saurait persuader à un homme de se ruiner. Voilà le caractère de l’industrie : du chef au dernier travailleur, nul n’a de lendemain, s’il ne l’assure par ses efforts, chacun sert dans la fortune de l’entreprise sa fortune particulière, et tout est mû par une ardeur infatigable comme l’intérêt.