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La météorologie a fait de nos jours de grands progrès ; mais une flotte en action est-elle en mesure de recevoir les avertissemens que les observatoires et le télégraphe nous prodiguent ? Nous avons donc tort de dédaigner les vieux pronostics. Les vents qui s’élèvent la nuit, si nous en croyons l’auteur de l’Armata navale, durent beaucoup moins que ceux qui prennent naissance pendant le jour. Une grande pluie, surtout quand elle est soudaine, abat ordinairement la fureur de la tempête ; une pluie fine, au contraire, alimente la brise, comme l’eau en poussière paraît avoir le don d’entretenir et d’attiser la flamme. Si, au moment du lever ou du coucher du soleil, on aperçoit autour de cet astre un cercle coloré, le vent soufflera de la partie du cercle qui se dissipera la première. Découvrez-vous, aux lueurs naissantes du jour, du côté de l’orient, des nuages épars, le soleil s’est-il levé pâle ou vous apparaît-il avec un double globe, reconnaissez là les signes évidens d’une prochaine tempête. Un soleil gonflé est toujours un indice de fâcheux augure, surtout quand il laisse derrière lui, à l’endroit où il vient de disparaître, de gros nuages que percent en divers endroits des taches couleur de sang.

La lune a ses présages aussi bien que l’astre du jour : ce n’est pas sans motif qu’elle nous présente une face rubiconde. L’avis est plus menaçant encore quand à la teinte rouge se mêle le noir ou le bleu foncé. Des cercles lunaires séparés l’un de l’autre par des intervalles égaux prédisent de grands vents et des vents variables. Dieu vous préserve surtout d’une lune vous offrant, à son seizième jour, un éclat semblable à celui de la flamme ! L’influence de la lune sur le temps est bien discréditée aujourd’hui ; il n’est pas impossible que la lune en appelle. Ne craignons donc pas d’enregistrer, ne fût-ce que dans un intérêt historique, ce que pensaient à ce sujet les anciens. Le moment de la conjonction était tenu par eux comme un moment critique. Certains observateurs allaient jusqu’à prétendre que le troisième jour avant ou après l’opposition n’avait guère moins d’importance que le troisième jour qui précédait ou suivait la nouvelle lune. Toutes ces observations, ingénieuses ou crédules, n’auraient pas été faites par le chêne ; elles eurent leur origine dans les préoccupations bien naturelles du roseau. Tant qu’il ne s’agira que de traverser les mers avec nos puissans cétacés, les soucis des vieux triérarques pourront ne nous arracher qu’un sourire ; le jour où le succès d’une descente dépendra d’un caprice de la brise, nous les examinerons peut-être de plus près.

Les Romains se lassèrent de perdre leurs navires sans combattre. Durant deux années consécutives, ils abandonnèrent à Carthage