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pour faire sa soumission à Henri V, le fils de Charles VI eut soin de confier la garde de cette place à un prince du sang royal, à son cousin Jean de Harcourt, comte d’Aumale, et on le vit bientôt, au plus fort de sa détresse financière, s’imposer de réels sacrifices pour approvisionner de vivres et de munitions la seule forteresse de Normandie qui ne fût pas tombée au pouvoir des Anglais.

Le nouveau capitaine, dm Mont appartenait à une famille où la dévotion à saint Michel était héréditaire, et constituait en quelque sorte un culte domestique. Plusieurs de ses ancêtres figuraient au premier rang des bienfaiteurs du monastère dont le patriotisme normand avait fait son suprême boulevard. Le comte d’Aumale avait deux sœurs, dont l’aînée, Marie de Harcourt, s’était mariée en 1417 à Antoine de Lorraine, comte de Vaudemont et seigneur de Joinville. Marie aimait tendrement le jeune héros qui était son frère. Dès l’instant où elle apprit que Jean était chargé de diriger la résistance et de tenir tête aux envahisseurs, elle dut suivre avec, un redoublement d’attention, du fond de son château de Joinville, la lutte engagée entre les Anglais et les défenseurs du Mont. Et comme la seigneurie de Domremy appartenait alors. à Jeanne de Joinville, qui entretenait d’étroites relations avec son cousin le comte de Vaudemont, il y a lieu de croire que les principaux événemens militaires. où le comte d’Aumale fut mêlé, et en première ligne ceux qui pouvaient intéresser le sanctuaire de Saint-Michel confié à sa garde, furent très vite connus sur les marches de la Champagne et du Barrois, notamment à Joinville et dans le village natal de Jeanne d’Arc,

Une catastrophe qui précéda, de dix jours seulement la mort de Charles VI fournit au dauphin l’occasion de manifester d’une manière éclatante, à la veille de son avènement au trône, sa foi en la protection de saint Michel, en même temps que sa vénération toute spéciale pour le plus célèbre des sanctuaires placés sous l’invocation de l’archange. Le 11 octobre 1422, ce prince, de passage à La Rochelle, présidait une réunion de notables, lorsque le plancher de la salle, située au premier étage, où la séance avait lieu, s’effondra tout à coup. Tous les assistans furent précipités pêle-mêle de la hauteur de ce premier étage dans une pièce du rez-de-chaussée. Plusieurs gentilshommes, notamment Pierre de Bourbon, seigneur de Préaux, Gui de Naillac, périrent dans cette chute, et le nombre des blessés fut encore plus considérable que celui des morts. Le dauphin fut presque le seul qui tomba sans se faire aucun mal, ou du moins il en fut quitte pour quelques contusions, et ses partisans ne manquèrent pas de crier au miracle. Il crut lui-même qu’il avait été préservé du danger dans cette circonstance grâce à la protection