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dernier défini, c’est que les lits de charbon sont toujours intermittens, c’est qu’ils sont limités dans leur étendue et qu’ils passent latéralement à des lits de grès ou de schistes dépourvus de combustible ou n’en renfermant que de faibles traces. Il suffisait donc autrefois de certains changemens physiques pour interrompre la production du phénomène, et ce dernier n’avait rien d’universel : il était certainement localisé, c’est-à-dire qu’il dépendait de la présence de circonstances déterminées en dehors desquelles il cessait de se réaliser.

Il est encore plus aisé de concevoir que, sans le climat et la température propres à ces lointaines époques, la formation de la houille n’aurait pas abouti aux mêmes résultats. À elle seule, l’étrangeté des végétaux carbonifères dénote des conditions extérieures tellement différentes de celles que nous avons sous les yeux, du moins dans nos régions du Nord, que nous sommes bien obligés d’admettre de prodigieux changemens survenus à partir du temps où ces végétaux couvraient le sol de l’Europe. Enfin, si, en rétablissant par la pensée et le climat primitif et la disposition ancienne des lieux, nous nous contentions de placer dans ce cadre nos arbres actuels avec leur accroissement de diamètre périodiquement et graduellement accompli, aussi difficiles à déraciner qu’à entraîner, couvrant le sol de leur masse après leur chute et se décomposant à l’air libre, il ne sortirait évidemment d’une pareille combinaison aucun lit de combustible un peu considérable ; à peine obtiendrait-on à la longue des traces de houille insignifiantes et n’ayant rien de commun, à coup sûr, avec les richesses en ce genre que nous a léguées le passé.

Pour expliquer rationnellement la formation des houilles, il fallait donc avant tout prendre ces trois termes d’une même question : les végétaux, les conditions extérieures auxquelles ils avaient été soumis, les lieux où ils avaient vécu, et éclaircir à l’aide de l’observation tout ce que ces points pouvaient avoir d’obscur. Cette marche était la seule qui pût conduire à une solution ; elle a suscité l’effort de plusieurs générations de savans, et M. Grand’Eury, leur succédant, voyant tout par lui-même sous l’impulsion de Brongniart, observant sur place des objets que d’autres ne rencontraient que sous les vitrines d’un musée, a fini par dire le dernier mot après vingt ans d’explorations consciencieuses. De pareils exemples venant de la part d’un mode>te ingénieur qui se dévoue sans autre but que de servir la science sont trop rares et trop élevés pour ne pas avoir droit à une louange publique. M. Grand’Eury a voulu, dès le premier jour, expliquer la houille, non-seulement parce que le mode de formation de cette substance était réellement inconnu, ou, si l’on veut, imparfaitement déterminé, mais encore avec la pensée