Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 54.djvu/680

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1856, il revient à cette pensée d’un amoncellement des restes de la végétation carbonifère, pendant une longue suite de siècles, comme donnant la clé du phénomène. Il était par cela même partisan d’une formation sur place ou plutôt d’une décomposition à l’air humide de tous les résidus accumulés. Le savant français touchait au but de fort près en adoptant une hypothèse qui ne s’écartait pas très sensiblement du phénomène spécial des tourbières. En somme, de vastes et profondes forêts se succédant au sein de régions faiblement accidentées, dans un calme que des oscillations du sol, suivies d’immersion, n’auraient troublé qu’à de longs intervalles ; tel est bien le tableau des houillères, tracé par Brongniart antérieurement aux premières études de M. Grand’Eury. Il était réservé à celui-ci de saisir ce que le point de vue du maître avait encore d’incomplet, et, circonstance honorable pour ce dernier, après avoir deviné la portée des recherches de son élève, il l’encouragea à persister dans la voie qu’il avait choisie, ne reculant pas devant un démenti probable des opinions qu’il avait auparavant émises.

Il existait du reste des objections sérieuses et non résolues à l’encontre des conceptions, souvent contradictoires, au moyen desquelles on s’appliquait alors à définir l’ancien aspect des pays carbonifères.

En admettant des forêts immenses, couvrant un sol faiblement ondulé, on excluait les petites îles supposées par Élie de Beaumont. Fallait-il en revanche croire à des terres continentales, sillonnées par de grands fleuves et dominées par des chaînes assez puissantes pour donner naissance à ces fleuves, circonscrire et alimenter leur cours ? C’est bien ainsi que se présentent nos continens actuels, avec leur charpente lentement constituée, à l’aide d’une série d’oscillations et d’émersions successives, et leur orographie si complexe où se résument les conséquences dernières des plissemens de l’écorce terrestre. Mais n’est-il pas extrêmement invraisemblable que la surface du globe ait été distribuée d’après les mêmes lois, à une époque aussi reculée que celle que nous considérons ? D’ailleurs les gisemens de houille se trouvent disséminés à travers notre hémisphère tout entier ; par cela même ils relèvent d’une cause trop générale, trop uniforme dans ses résultats, pour que l’on soit en droit de la rapporter à des fleuves ; ceux-ci effectivement n’auraient pu agir dans le sens qu’on leur prête que sur un nombre restreint de points déterminés, et non sur le pourtour entier d’une contrée limitée, comme l’est en France le plateau central. La multiplicité, la dispersion, la répétition du phénomène des houilles, en même temps que sa localisation, obligent donc celui qui veut s’en rendre compte à rechercher des conditions physiques différentes de celles qui résultent du régime fluviatile de nos continens.