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un sol détrempé. On conçoit l’énormité des produits ulmiques, la décomposition faisant de nouveaux progrès à la moindre averse, de manière à réduire en une pâte noirâtre la couche de résidus la plus inférieure. L’examen des dépôts houillers démontre qu’il en était bien ainsi et c’est pour cette seule raison que l’on a tant de difficulté, en dépit d’une telle réunion de-matériaux, à reconstituer intégralement certains types. Rarement les tiges tombées demeuraient entières ; elles se gonflaient, s’ouvraient, les parties molles et lacunaires se désagrégeaient les premières, les parties denses et fibreuses se détachaient de la masse corticale ; celle-ci, plus tenace, souvent lisse et ferme extérieurement, se déroulait et résistait plus que tout le reste. Des troncs de fougères il ne restait que l’étui périphérique ou les fibres intérieures désagrégées ; des cordaïtes, des sigillaires, des lépidodendrées, rien que la région corticale. Les feuilles détachées formaient d’autres entassemens et tous ces monceaux obstruant certaines places au bas des déclivités, au débouché des vallées intérieures, attendaient l’arrivée et le passage des eaux pour abandonner à leur action d’innombrables matériaux parvenus à des degrés très inégaux de décomposition.

Lorsque venait le temps des grandes pluies, les eaux filtrant de toutes parts, ruisselant de toutes les pentes, formaient çà et là des lacs temporaires, puis entraînaient à la fin toutes les digues de matières organiques mises à leur portée. Quel immense amas de substances détritiques étaient ainsi charriées jusqu’à la dépression lagunaire ! Mais avec ces résidus vieillis et désorganisés, les pluies, que l’on doit imaginer torrentielles, entraînaient encore tout ce qui cédait à leur impulsion ; elles abattaient des tiges, des feuilles, de jeunes pousses, parfois des végétaux entiers, tout ce qui n’avait pas la force de leur résister, et, en définitive, dans nos collections, ce sont ces débris à l’état frais, ces feuilles si délicates, si nettes, ces organes demeurés entiers que nous retrouvons reconnaissables dans leurs moindres détails et couchés à plat sar les feuillets de l’immense herbier dont il nous est donné de dérouler les pages.

C’est par là que notre esprit remonte sans effort le cours des âges ; dans notre naïveté, nous trouvons tout simple qu’un modeste savant nous en facilite l’accès, qu’il renonce à toute carrière pour deviner de pareilles énigmes. Les labeurs obstinés, les explorations souterraines, les recherches pénibles, il les a volontairement assumés. Poussé par un instinct irrésistible, botaniste quand il a fallu, ingénieur, chimiste et géologue à d’autres momens, il s’est enfoncé bravement dans un passé prodigieux. Comment ne pas admirer sans réserve un pareil désintéressement qui par le fait honore notre époque et notre pays ? La science, quoi qu’on dise, sait encore en