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apparent, il est d’autres circonstances où nous devons en étendre beaucoup l’acception vulgaire.

Pas plus que les autres sciences, la géographie ne possède de définitions bien nettes. Pour être exacte et surtout compréhensible, une définition ne doit rappeler que des idées connues, exprimées par des mots ayant eux-mêmes une acception bien précise. Il est dès lors difficile, on pourrait même dire impossible, de la formuler au début d’un traité technique, et, par malheur, on néglige d’ordinaire de l’établir à la fin. Cette observation générale m’est revenue à l’esprit quand j’ai pensé à me demander ce qu’on devait entendre par le mot de bassin en géographie, bassin d’une rivière, d’un fleuve, d’une mer. Sans doute, de prime abord, on est tenté de répondre que c’est l’ensemble des versans dont les eaux pluviales s’écoulent dans cette rivière, ce fleuve ou cette mer, le bassin étant intérieur ou fermé, si la nappe d’eau qui reçoit l’enabouchure finale n’a pas de communication avec l’Océan. Mais si, par suite d’une circonstance accidentelle, l’écoulement des eaux pluviales venait à s’arrêter sur une portion quelconque du bassin, son étendue serait-elle diminuée d’autant ? devrait-on cesser d’y comprendre les versans dont les sources auraient tari ou qui restitueraient en totalité à l’évaporation atmosphérique l’eau pluviale qu’ils auraient reçue ? Pour prendre un exemple précis, les divers affluens et les grands fleuves sans eau qui sillonnent le désert du Sahara, ont-ils cessé d’appartenir à un même bassin fluvial, par cela seul qu’ils n’apportent plus leurs eaux à son artère centrale ? Si l’on va plus loin, si l’on considère ces lagunes marécageuses situées au sud de l’Afrique et de la Tunisie, dans lesquelles on a voulu retrouver les traces d’un ancien bras de mer te prolongeant autrefois dans les terres le golfe de Gabès actuel, devra-t-on considérer ces lagunes, en l’état disjointes, comme distinctes tant des bassins fluviaux qui s’y déversaient peut-être autrefois, que de la Méditerranée, dont elles auraient été accidentellement séparées depuis peu ? Évidemment les cuvettes des chotts algériens ne font qu’un avec les grands fleuves sahariens, et elles n’auraient pas cessé d’appartenir au bassin de la Méditerranée si, comme on l’a supposé plutôt que démontré, elles ne s’en trouvaient séparées que par une étroite langue de sables et d’alluvions de formation récente, analogues à ces barres de galets qui, sur les côtes de l’Algérie, parfois même sur les nôtres, ferment pendant un temps plus ou moins long les embouchures, les gratis, de bon nombre de petits cours d’eau ou d’étangs littoraux, sans que personne ait jamais songé à considérer ces lagunes intermittentes comme des bassins distincts et fermés. Mais si, au lieu d’être une étroite bande de sable, le seuil de séparation se trouve constitué par un soulèvement géologique de