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et celui de la Mer-Morte, dont la cote négative est de plus de 400 mètres.

Je n’ai pas à examiner jusqu’à quel point il pourrait être utile et surtout pratique de restituer à l’océan ces deux dépressions. Elles sont fort éloignées de nous, et leur immersion en tant qu’elle fût humainement réalisable, n’aurait qu’une influence à peu près nulle sur le climat de notre pays. Mais on a pensé qu’il pourrait en être autrement d’une entreprise plus modeste, d’une réalisation plus facile, dont l’opinion publique s’est assez vivement préoccupée pour que le gouvernement ait cru devoir la prendre en considération et la soumettre à l’examen d’une commission spéciale. Je veux parler de la mer intérieure du Sahara algérien, devant asseoir sa surface d’évaporation sur une plus ou moins grande étendue de ce chapelet d’arides lagunes que j’ai déjà signalées comme formant, au sud des provinces de Constantine et de Tunis, le bassin dans lequel viennent déboucher les lits desséchés des grands fleuves du Sahara central.

Une première exploration, faite il y a une trentaine d’années par M. l’ingénieur des mines Dubocq, ayant établi que la plus occidentale de ces petites cuvettes, le chott Mel-Rir, se trouvait bien réellement à un niveau inférieur d’une vingtaine de mètres à celui de la Méditerranée, on en a conclu un peu prématurément qu’il devait en être de même des chotts tunisiens situés plus à l’est ; et que dans leur ensemble ces cuvettes intérieures pourraient bien constituer un ancien golfe de la Méditerranée, qui aurait existé dans les temps historiques. On crut pouvoir l’identifier avec un certain lac Triton, cité par divers géographes de l’antiquité comme existant de leur temps, qui n’aurait été séparé que récemment de la Méditerranée par une barre ou seuil d’alluvions et de galets, à travers lequel une trouée facile pourrait permettre de rétablir l’ancien écoulement des eaux marines. Je ne sais ce qu’était au fond l’ancien lac Triton et jusqu’à quel point on peut considérer comme démontrée et même comme vraisemblable son identité avec les chotts algériens. Hérodote, qui en a parlé le premier, donne du lac Triton, qu’il n’avait jamais vu personnellement, une vague description, qui à la rigueur pourrait s’appliquer au voisinage du golfe de Gabès ; mais des auteurs plus récens, Strabon, Lucien, la table de Peutinger, le placent expressément près de la ville de Bérénice sur le littoral de la grande Syrte, à plus de 800 kilomètres de distance à l’est de Gabès.

Une exploration directe pouvait seule nous fournir des renseignemens précis à cet égard. Cette vérification a eu lieu, et, si elle nous a valu des documens géodésiques importans, on doit malheureusement reconnaître que, loin de confirmer les premières prévisions, elle les a contredites de tous points. Le seuil de Gabès s’est trouvé