Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 54.djvu/919

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à un homme comme lui et qu’il demanderait à devenir musulman.

C’est peut-être la légende touchante rappelée par Hecquard qui est la cause, sinon de la bienveillance, du moins de la réserve observée par les Pouls à l’égard des chrétiens. Lorsque Mahomet fut de retour de Médine, il envoya, dit la légende poul, un messager au chef des chrétiens pour l’engager à embrasser sa religion comme la seule véritable. L’ambassadeur du Prophète fut très bien reçu par les chrétiens, qui le comblèrent de cadeaux et qui, après avoir renfermé dans une boîte d’or la lettre de Mahomet, la lui renvoyèrent en répondant que leur religion étant celle de leurs pères, ils ne pouvaient la renier, mais qu’ils avaient été touchés et flattés de sa démarche. En recevant cette lettre, Mahomet se prosterna et pria Dieu de donner aux chrétiens du bonheur et des richesses pour les récompenser du bon accueil qu’ils avaient fait à son messager et du respect qu’ils avaient montré pour l’envoyé de Dieu. »

Il est regrettable que cette légende ne soit pas répandue chez les Touaregs et dans ces pays du nord de l’Afrique, où l’islam, oubliant le respect et la tolérance que les Européens, les Français surtout, ont toujours montrés pour lui, n’enseigne à ses adeptes que la haine la plus aveugle et le fanatisme le plus absolu contre ceux qui ne partagent pas sa croyance.

Aussi je n’oublierai jamais les Pouls. Pendant une grave maladie qui a failli m’emporter à l’époque du Kori Leourou Soumayé (fête du Radaman), quatre cents hommes prosternés autour de la mosquée de Donhol priaient, l’almamy avec eux, pour que Dieu et le Prophète voulussent bien conserver mes jours. Je ne sais si ce sont leurs prières ou leurs soins, — les deux peut-être, — qui m’ont sauvé ; quoi qu’il en soit, je conserverai au fond du cœur le souvenir de ces musulmans exempts de fanatisme qui demandent à ne faire avec nous qu’une même famille, ayant même père et même mère, pour me servir de leur langage imagé.

Le Fouta-Djalon, qui comprend un territoire considérable habité par une race travailleuse, âpre au gain et qui nous désire, doit attirer l’attention de notre pays. N’oublions pas que cette contrée, comme le Sénégal, est la clé du Soudan, que, du Haut-Niger au Haoussa, on rencontre partout les Pouls, qu’il y a là un empire commercial immense, dont les habitans du Fouta-Djalon sont les courtiers principaux et dont ils ont jusqu’à ce jour défendu l’entrée avec opiniâtreté, craignant de perdre leur monopole. Mieux vaut douceur que violence, au Soudan surtout. Commençons par exploiter le Fouta-Djalon, et lorsque les Pouls nous connaîtront mieux, ils seront les