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La Gambie (Sainte-Marie de Bathurst) et Sierra-Leone ont beaucoup perdu de leur importance commerciale.

Malgré la jalousie qui divise les alfaia et les souria, on peut affirmer sans crainte que le Fouta-Djalon forme un tout politique avec lequel on doit compter. Les rivalités des chefs n’empêcheront pas les Pouls de tenir les promesses qu’ils ont faites. Le traité du 14 juillet 1881 ouvre cette riche contrée à notre commerce et permet moyennant une redevance fixe à tout Français d’installer une factorerie dans l’intérieur du pays après en avoir informé le chef de la province où il voudra résider. Ce traité a reconnu notre situation dans les rivières du Sud, et l’almamy auquel presque tous les chefs qui environnent notre comptoir paient tribut, nous a offert de porter nos postes plus à l’intérieur.

Les traités que j’ai réussi à passer, au nom du gouvernement français, avec les différens états du Bambouk situés entre la Gambie et le Sénégal confirment ceux obtenus des Pouls, car ils ouvrent une route nouvelle des postes du Haut-Sénégal au Niokolo, qui est la province la plus septentrionale du Fouta-Djalon.

Cette contrée est un des chemins les plus courts pour gagner le Niger ; mais si cette région montagneuse et coupée de nombreuses rivières n’est pas aussi commode que la vallée du Haut-Sénégal pour la construction d’un chemin de fer, elle n’en restera pas moins longtemps encore la route préférée par les caravanes qui viennent du Bouré, du Ouassoulou et du Kankan, jusqu’au jour où la voie ferrée unira Bamako à Médine.

Les Pouls du Fouta-Djalon, bien que musulmans, se tiennent à l’écart des intrigues politiques qui se nouent entre le Bossela (Fouta-Toro indépendant) et Ségou. Je ne dirai pas qu’ils combattraient leurs frères en Mahomet, mais ils resteront neutres.

Jaloux de l’influence prise par El-Hadj Omar, auquel ils avaient donné un asile à Dinguiray et des visées ambitieuses de son successeur Ahmadou Cheikou, les Pouls du Fouta-Djalon, qui considèrent leur almamy comme le calife du Soudan occidental, ont observé la plus grande réserve. Ils ont appuyé Fodé-Darami, dont l’influence s’étend de plus en plus sur la région du Niger, voisine des sources, et envoient des armes à Samadou, ennemi du prince Aguibou, qui commande, à Dinguiray, depuis la mort d’El-Hadj Omar.

On dirait que le sang dialonké mêlé au sang poul a rendu l’habitant de Timbo moins fanatique. Il ne craint pas de s’allier aux infidèles. Le rêve de l’almamy Ibrahim Sory est de voir sa suprématie reconnue sur le Haut-Niger, non par la force de ses armes, mais par l’alliance qu’il médite depuis longtemps avec les chefs du Ouassoulou et du Sangaran qui ont embrassé la religion musulmane. Ce