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de la Moselle, à sept lieues au nord de Metz, arsenal de l’assiégeant, et à même distance au sud de Luxembourg, d’où l’assiégé pouvait attendre des secours, au centre d’une plaine fertile, semée de quelques villages, encadrée au sud par un petit affluent de la Moselle, la Fensche, au nord par des marais, bordée à l’est par le fleuve et enveloppée à l’ouest par une ceinture de hauteurs qui décrivent un arc de cercle d’environ 3,000 mètres de rayon. Ces collines, où la vigne se mêle aux bouquets de bois, sont elles-mêmes dominées par d’épaisses forêts, aux pentes escarpées ; dans une gorge étroite qui coupe ce massif, la Fensche roule ses eaux et déjà alors mettait en mouvement quelques forges, premiers jalons des grandes usines modernes d’Hayange et de Moyeuvre. Hors des deux larges voies qui conduisaient à Luxembourg et à Metz, la plaine de Thionville n’était accessible que par ce défilé où passe le chemin de Longwy ; c’est celui qu’avait pris le duc d’Anguien. Nul pont pour traverser le fleuve, rarement et difficilement guéable. La route de Sierck suit la rive droite, qui présente un terrain ondulé, semé de bosquets et de villages, facile à parcourir.

La ville avait à peu près l’aspect qu’elle présente aujourd’hui ; le périmètre de l’enceinte était le même. — Un solide rempart se développant le long du fleuve (rive gauche) ; jetée sur la rive droite, une lunette assurant les communications entre les deux bords ; vers la plaine, cinq grands bastions et autant de demi-lunes devant les courtines, avec escarpes et contrescarpes bien revêtues ; un grand ouvrage à corne au nord ; des fossés larges, profonds et pleins d’eau ; un chemin couvert spacieux, trois portes bien défilées et protégées contre toute tentative d’insulte ; partout d’épaisses maçonneries et une profusion de palissades ; tout ce que l’art de l’ingénieur pouvait donner alors avait été mis en œuvre pour rendre cette place formidable[1]. La difficulté des approches, qui ne pouvaient se faire qu’à découvert, augmentait encore sa force ; le souvenir de la résistance qu’elle avait opposée au duc François de Guise en 1558, et l’échec éclatant que nos armes venaient tout récemment (1639) d’essuyer sous ses murs, lui donnaient un grand prestige. Au moment où les chevau-légers français en occupèrent les avenues, elle était admirablement pourvue, sauf en hommes ; matériel de guerre, bouches à feu, poudre, tout l’outillage, y compris de grands amas de bois et même de terre, était au complet. Peu de farines, mais

  1. Ces défenses, remaniées jadis par Vauban et Cormontaigne, ont dans ces dernières années subi une nouvelle transformation. L’ouvrage de la rive droite a pris un grand développement ; il renferme aujourd’hui la gare du chemin de fer ; les ponts ont été multipliés, les dehors sur la rive gauche en partie rasés ; l’enceinte a été pourvue de traverses et de casemates ; les terrassemens ont été relevés et renforcés.