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sont en souffrance, que l’industrie, le commerce et l’agriculture languissent et que le poids des impôts se fait lourdement sentir. Il y eut une courte période d’années où la France jouit des avantages et de la gloire d’avoir des budgets en excédent réel des recettes sur les dépenses ; c’est la période de 1875 à 1880 inclusivement. Pendant une année de transition, en 1881, on put croire que l’on avait encore un excédent, mais il n’était qu’apparent ; il tenait à deux circonstances anormales ; on avait transporté au budget extraordinaire une somme notable de crédits qui étaient affectés à des dépenses permanentes et qui régulièrement eussent dû figurer au budget ordinaire ; et, en outre, on avait porté en recettes au budget ordinaire 80 millions de francs qui n’étaient pas une ressource propre à l’exercice en cours et qui provenaient des reliquats d’exercices antérieurs. Sans ces deux procédés, que tous les financiers rigoureux considéreront comme irréguliers, le budget de 1881, au lieu d’un excédent apparent et officiel de 111 millions de francs, serait en déficit réel d’une cinquantaine de millions. A partir de 1882, le déficit ne peut plus être nié, il est impossible de le maintenir à l’état latent. Quoiqu’on ait porté au budget ordinaire de cet exercice un ensemble de ressources montant à 145 millions provenant d’exercices antérieurs (page 70 de l’exposé des motifs de 1884), quoique le budget extraordinaire comprît encore pour 70 millions environ de dépenses ordinaires, M. le ministre des finances avoue que l’excédent provisoire des dépenses du budget de 1882 est de 47 millions de francs. Encore ajoute-t-il qu’il réduit le déficit à ce chiffre en retranchant 60 millions d’annulations probables de crédits en fin d’exercice ; or rien ne prouve que les annulations atteignent cette somme.

Arrêtons-nous un instant à ce budget de 1882, le dernier écoulé ; il vaut vraiment la peine qu’on l’examine, car il montre mieux que tout autre en quelle situation nouvelle sont les finances, hier encore si magnifiques, de la France. Cet exercice 1882 est, non pas le premier qui soit en déficit réel, car celui de 1881 était aussi dans ce cas, mais le premier qui soit en déficit officiel. On nous dit que ce déficit ne dépassera vraisemblablement pas 47 millions ; c’est déjà une grosse somme, mais combien elle s’accroît quand on examine les choses de près ! M. Léon Say, dans l’élaboration du budget de l’exercice courant, M. Allain-Targé lui-même, et en définitive la chambre, ont reconnu que, jusqu’à la fin de l’année 1882 inclusivement, on avait porté indûment au budget sur ressources extraordinaires tout un ensemble de dépenses montant à 70 ou 80 millions de francs qui auraient dû, d’après les règles d’une bonne comptabilité, figurer au budget ordinaire. Le budget ordinaire de 1882, qu’on nous dit se