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Louise Michel ? Si le personnage principal n’a pas de caractère particulier, la scène n’a pas non plus de caractère général, car l’action est imparfaitement déterminée. Ces hommes sont-ils des assiégeans ou des assiégés, des miliciens ou des insurgés ? Cette femme est-elle une prisonnière rendue à l’ennemi, une parlementaire, ou encore une reine qui vient au-devant de ses soldats révoltés ? Toutes les suppositions sont permises. L’idée est vague et indéfinie comme est indécis le dessin des contours et comme est incomplet le modelé des chairs. Tout cela, c’est de la fantaisie, et de la fantaisie sans agrément.

M. Luminais nous montre le Dernier des Mérovingiens, c’est-à-dire Childéric III, tonsuré par des moines sur l’ordre de Pépin le Bref. C’est un tableau sérieux, bien composé et solidement peint. Mais, dans ce sujet, le comique est bien près du drame. La parodie en est facile et la caricature tout indiquée : Childéric chez son perruquier. M. Jean-Paul Laurens a peint un conciliabule entre un pape et un inquisiteur qui n’annonce rien de bon pour les hérétiques. Le pontife n’a pas l’air méchant ; il inclinerait vers la clémence, mais il se laissera gagner par les raisonnemens de l’inquisiteur, un ascète fanatique à la tête osseuse, au nez d’aigle, à l’œil perçant. Voyez dans l’autre tableau du même peintre les conséquences de cette discussion. Au pied des hautes murailles d’un alcazar mauresque devenu prison du saint-office, une femme en deuil est agenouillée, priant pour son mari qui est mort supplicié ou qui gémit dans un in-pace. M. Tony Robert-Fleury expose Mazarin et ses Nièces. Olympe et Marie chantent, Hortense les accompagne au clavecin. Vieilli et malade, le cardinal écoute la musique assis dans son fauteuil, la tête renversée sur un oreiller. Ce n’est plus le brillant cavalier des guerres de la Valteline ; c’est encore l’homme qui aurait pu être appelé le grand cardinal, si le nom n’avait été pris par Richelieu.

Les peintres se laissent facilement dominer par les opinions régnantes, qu’elles soient justes ou fausses. On a tant répété en ces derniers temps que l’histoire de France ne commence qu’à la révolution de 1789 qu’ils ont fini par le croire. A mieux dire, si beaucoup d’entre eux ont trop d’intelligence pour admettre cette manière de voir, beaucoup aussi ont trop de sens pratique pour ne pas feindre de la partager. Il faut bien compter avec les commandes et les acquisitions de l’état. Soyez persuadés que, si la monarchie ou l’empire remplaçait la république, il y aurait au Salon autant de chevalier d’Assas qu’il y a aujourd’hui de Joseph Barra, autant de sacres et de couronnemens qu’il y a aujourd’hui de prises de la Bastille. Quoi qu’il en soit, le cycle des sujets historiques s’ouvre au serment du Jeu de Paume pour se fermer à la pacification de la