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déterminée et les dégradations de tons remplacés par les divers degrés de relief. Les figures du premier plan ressortent en plein relief, celles du second plan se modèlent en demi-relief, celles du troisième s’atténuent en bas-relief. A gauche, devant une grande table recouverte d’un tapis fleurdelisé, le marquis de Dreux-Brézé, la canne dans la main, le chapeau sur la tête, l’air très froid, très digne, très assuré et quelque peu impertinent, comme il convient à un gentilhomme qui parle au nom du roi à Messieurs du tiers, rappelle aux députés l’ordre de son souverain. Devant le grand maître des cérémonies, Mirabeau, solidement arc-bouté sur ses deux jambes, la tête rejetée en arrière, le buste saillant, la main droite tendue, l’index en avant, prononce les fameuses paroles qui sont trop connues pour être répétées. L’expression de puissance et de défi du tribun égale comme intensité d’effet l’expression de calme et de dédain de l’envoyé du roi, mais elle ne la surpasse pas. Plus loin, à gauche et au fond, tous les députés du tiers, les uns assis, les autres debout, regardent cette scène qui marque la première phase d’un duel à mort. Il y a là cinquante ou soixante personnages, tous bien caractérisés, variés d’attitudes et de physionomies, exprimant les uns la colère, les autres la surprise ou la curiosité, tous la résolution. Ce qui est surtout remarquable dans l’œuvre de M. Dalou, c’est que cette composition si pleine de vie et d’effet qu’elle soit, si animée, si tumultueuse qu’elle paraisse, garde néanmoins la sévérité de l’ordonnance, la mesure des mouvemens, la belle simplicité de la sculpture. La Séance des états-généraux n’est point sans doute l’œuvre la meilleure du jardin, — Les Premières Funérailles l’emportent par l’expression d’un sentiment général, — mais c’en est à. coup sûr la plus personnelle.

Cette belle simplicité, ces mouvemens mesurés, cette ordonnance sévère que l’on admire dans la Séance des états-généraux, font tout à fait défaut à l’autre envoi de M. Dalou, qui semble une copie en ronde bosse d’une apothéose de Rubens retouchée par François Boucher ; — les deux peintres les moins faite pour inspirer un sculpteur. Ce haut-relief, conçu dans le goût pompeux du milieu du svnr3 siècle, s’étend en hauteur. Au premier plan, deux hommes s’embrassent fraternellement, tandis que d’autres personnages brisent des épées, des fusils, des cuirasses. Au second plan, un groupe d’ouvriers (le chapeau rond et la blouse l’indiquent du moins) tendent un trophée de drapeaux à trois femmes qui planent dans les nuées, ayant pour tout costume le bonnet phrygien, le triangle égalitaire et autres attributs républicains. Çà et là voltigent des Amours portant des guirlandes de fleurs. De fort mauvais vers, qui rappellent par la facture les Commandemens de l’église