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ne touchait pas à la racine du mal. » Il y va toucher. « L’assemblée a paru faire. exécuter toutes ses volontés au roi, mais au fond elle exécutait elle-même toutes les volontés d’une puissante cabale qui soulève et calme le peuple à son gré. » C’est la cabale d’Orléans, « Perdre le duc d’Orléans, c’est donc d’abord à quoi il faut viser. » Il en a des moyens « compliqués, mais sûrs, » qu’il se réserve d’expliquer de vive voix. Le principal de ceux qu’il veut bien exposer par écrit consiste à « travailler sur le menu peuple, » et conquérir « la canaille ; » car c’est toujours « avec la boue » que l’on fonde et que l’on consolide les empires. Pour cela, le roi se donnera la tâche de « mettre dans le plus grand jour » les fautes que l’assemblée nationale a commises. Il pourra même la pousser à en commettre de nouvelles et de plus grandes. « Comme un musicien habile, il touchera l’instrument qui lui est confié et, à force d’en tirer de faux accords, ayant bien prouvé qu’il est mauvais, il en dégoûtera la France. » On organisera d’autre part un club des ouvriers, « une grande machine, » qui ne tardera pas à servir « pour produire les effets les plus importans. » Enfin, un conseil secret, sans responsabilité, préparera, de concert avec le roi, le travail des ministres, leur dictera les discours qu’ils iront prononcer à la tribune de l’assemblée nationale, et ainsi, sur les ruines de l’antique monarchie, on en élèvera promptement une nouvelle, appuyée, comme toutes les monarchies durables, sur « la partie forte » de son temps, qui est décidément le peuple. C’est ce qu’il appelle un « plan dont les idées s’enchaînent de loin, et tiennent également aux causes et aux effets de la révolution. » Convenons qu’il est difficile d’être plus fat. En réalité, Rivarol n’entend rien encore, avec toute son intelligence et tout son esprit, à cette révolution qu’il voit se dérouler sous ses yeux. C’est seulement quand il en aura vu de loin les dernières conséquences, qu’il comprendra ce qu’il y a d’irrésistible dans ces forces populaires, qui agissent à la façon des forces de la nature, et ce qu’il y a surtout en elles d’ingouvernable à ce qu’il appelle les « têtes pensantes » et les « têtes politiques. »

C’est encore parce qu’il n’entend rien à la révolution que, dans sa campagne au Journal politique national, on peut dire qu’il n’a pas compris que le règne de l’épigramme était désormais passé. La plus grande sottise de ces donneurs de ridicules, avait dit Duclos, et très bien dit, est de s’imaginer que leur empire est universel. S’ils savaient combien il est borné, la honte les y ferait renoncer. Le peuple n’en connaît pas le nom, et c’est tout ce que la bourgeoisie en sait. » Nous pouvons ajouter que le ridicule cesse où de grands intérêts commencent. Aux résolutions où se jouent la fortune et l’existence d’un peuple on ne regarde pas la forme. Reprocher à Mirabeau la laideur de sa figure, c’est bien de cela qu’il s’agissait après le 14 juillet ! Relever l’incorrection du style de Sieyès, il prenait bien son temps, alors que