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préparatoire et subordonnait la dissolution définitive du mariage à la vérification par une cour de justice des faits allégués par l’époux demandeur. On tint donc pour une sentence pure et simple de divorce la décision qui accueillait la demande de Louis Robarts à la charge par lui de faire la preuve légale de l’infidélité dont il accusait sa femme. Jackson, qui, en sa qualité de légiste, aurait dû se montrer plus éclairé ou plus circonspect, partagea l’erreur commune ; il se rendit sans autre vérification à Natchez, demanda la main de Rachel Donelson, « épouse divorcée de Louis Robarts, » l’épousa dans l’été de 1791 et la ramena à Nashville sans que personne songeât à mettre en doute la régularité de leur union. On fut fort étonné d’apprendre, plus de deux ans après ces événemens, que Louis Robarts s’était présenté, le 27 septembre 1793, devant la cour de justice du comté de Mercer, qu’il avait offert de prouver que sa femme l’avait abandonné pour vivre avec l’attorney at law André Jackson, que le jury avait déclaré les faits constans et que la dissolution du mariage avait été en conséquence définitivement prononcée. Le juge Overton, qui reçut le premier cette nouvelle, en fit aussitôt part à son ami, mais il eut grand’peine à le décider à faire régulariser une union que la bonne foi des parties ne suffisait pas à légitimer. Jackson se rendit cependant à ses représentations et consentit, au mois de février 1794, à la célébration d’un nouveau mariage.

Ce fut une des plus pénibles épreuves de sa vie. Le tendre et profond attachement qu’il conserva toujours pour sa femme lui rendait particulièrement odieuses les allusions outrageantes à ces incidens auxquelles se livrèrent souvent ses ennemis. Dans la lutte de 1828 pour l’élection présidentielle, les journaux qui combattaient sa candidature représentèrent sous un jour odieux les circonstances de son mariage, et la polémique qui s’engagea à ce sujet fut empreinte de cette impitoyable grossièreté que portent les Américains dans la discussion de la vie privée aussi bien que de la conduite politique de leurs hommes d’état. Ce fut alors qu’il invoqua le témoignage respecté de son vieil ami Overton et qu’il obtint de lui la publication du récit auquel nous avons emprunté les détails qui précèdent.

Sa considération et son influence sur ses concitoyens n’en reçurent d’ailleurs aucune atteinte, et en 1796, il fut le premier représentant envoyé au congrès des États-Unis par l’état de Tennessee. Au début de la session, Washington, qui touchait au terme de sa présidence, prononça un discours d’adieux empreint d’une patriotique et religieuse émotion, dans lequel, avant de quitter le pouvoir, il appelait les bénédictions divines sur l’indépendance et les libertés de son pays. Une adresse en réponse à ce discours fut votée