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épuisées et découragées, et reprirent, une fois la nuit tombée, leurs anciennes positions.

Repoussé dans deux attaques successives, le général anglais résolut de tenter un effort décisif. Son plan était hardi : l’une de ses colonnes devait attaquer une batterie d’artillerie que Jackson avait fait dresser sur la rive gauche du fleuve pour couvrir sa position, Une fois maîtresse des canons, elle devait les tourner contre l’armée américaine, tandis que le corps d’armée principal dont Packenham s’était réservé le commandement donnerait l’assaut sur toute la ligne de défense. Le signal de l’attaque fut donné dans la nuit du 8 janvier, mais les ordres reçus furent mal compris ou incomplètement exécutés : la colonne chargée, sous le commandement du colonel Thornton, de surprendre la batterie de la rive gauche, ne put s’embarquer à l’heure prescrite sur les bateaux plats qui devaient la transporter, et la colonne d’assaut n’était munie, au moment de se mettre en marche, ni d’échelles, ni de fascines. Sir Edward Packenham n’en donna pas moins l’ordre du départ et conduisit les troupes placées sous ses ordres au point des lignes ennemies qu’il supposait le plus faible. Les assaillans, accueillis par le feu nourri de trois batteries américaines, trouvèrent en face d’eux les riflemen du Tennessee et du Kentucky, renommés pour leur bravoure et pour la précision de leur tir. Le désordre se mit dans leurs rangs : le général en chef, qui s’efforçait de les rallier, fut tué en les ramenant à l’assaut ; le général Gibbs tomba à ses côtés mortellement blessé, et le général Keene fut mis hors de combat. Le corps d’élite des Sutherland Highlanders, qui avait tenté sans échelles et sous la mitraille l’escalade du rempart, perdit cinq cents hommes ; le reste se dispersa.

En l’espace de vingt-cinq minutes, l’armée anglaise avait été repoussée sans que le quart de l’armée américaine eût pris part à l’action. Les Anglais avaient perdu sept cents hommes et comptaient quatorze cents blessés et cinq cents prisonniers ; ils laissaient sur le champ de bataille trois généraux, huit colonels, vingt-quatre officiers, tandis que les pertes des Américains ne s’élevaient qu’à huit morts et treize blessés. La colonne de quatorze cents hommes, commandée par le colonel Thornton, avait seule réussi dans son attaque tardive : elle s’était rendue maîtresse de la batterie dont la possession aurait pu, un peu plus tôt, changer l’issue de la journée ; mais au moment où il venait d’obtenir ce succès partiel, le colonel reçut la nouvelle de la déroute de la colonne principale et de la mort de sir Edward Packenham, et le général Lambert, qui venait de prendre le commandement en chef, donna le signal de la retraite. Il ne restait après ce désastre, aux chefs de l’armée anglaise, qu’à