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Montmorin, si bien instruit par la cour de Charles III du respect des formes, avait plu aux Bretons par sa réserve hautaine ; et la comtesse de Montmorin, par son savoir-faire, n’avait pas été inutile dans cette œuvre de conciliation entre tant de susceptibilités ; aussi la reconnaissance publique entoura-t-elle le mari et la femme. Une promenade fut appelée le Champ-Montmorin et la Gazette de France du 4 février 1785 mande « que la comtesse de Trémargat, épouse du comte de Trémargat, Jambe-de-Bois, président de l’ordre de la noblesse, étant accouchée d’un fils, les états ont arrêté de donner à cet enfant le nom de Bretagne et d’envoyer à la comtesse de Montmorin une députation pour la prier de le présenter au baptême. » Ils arrêtèrent par acclamation d’offrir à la comtesse de Montmorin un diamant de 10,000 écus ; elle ne voulut pas l’accepter, et elle pria les députés de permettre que cette somme fût destinée à fonder une place au couvent de la Présentation pour les jeunes demoiselles nobles, une autre à l’école des cadets-gentilshommes e£ une bourse dans un collège pour le tiers-état.

Sa haute charge n’obligeait pas Montmorin à résider constamment à Rennes ; un intérêt de famille l’appelait d’ailleurs à Paris, au mois de septembre 1886 ; il s’agissait du mariage de sa seconde fille.


II

Pauline avait été élevée par ses tantes. Les premières années de sa vie, elle les avait passées à Chadieu, à mi-côte des coteaux qui bordant l’Allier, dans un encadrement de verdure ayant pour horizon les Monts-d’Or. A huit ans, elle était entrée au couvent de Fontevrault, la maison ordinaire des filles de France ; de treize à seize ans, ses parens, pour achever son éducation, l’avaient placée à Paris, au couvent princier de Panthémont, rue de Grenelle, la maison préférée de la haute noblesse, où chaque jeune fille, ayant une gouvernante et une femme de chambre, apprenait les leçons de maintien, de danse et de musique, et recevait au parloir les visites les plus mondaines. L’éducation était ainsi résumée par ce mot de la marquise de Créquy à Sénac de Meilhan : « De l’instruction religieuse et des talens analogues à l’état de femme qui doit être dans le monde, y tenir un état, fût-ce même un ménage. » Généralement le mariage de la jeune fille se faisait presque immédiatement au sortir du couvent, avec un mari choisi et agréé d’avance par la famille, qui décidait souverainement des convenances de rang et de fortune.

Il n’en fut pas autrement pour Mlle de Montmorin ; elle ne connaissait pas son futur époux lorsqu’on lui annonça qu’elle allait se marier. Elle écrivait plus tard qu’elle regrettait ses journées de