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choses, en tous cas, extrêmement coûteux, et j’ai fait effort pour indiquer, en m’appuyant de l’avis d’hommes plus expérimentés que moi et placés sur les lieux, comment il ne serait peut-être pas impossible d’arriver plus vite, plus simplement et plus économiquement aux mêmes résultats.

Quoi qu’il en advienne, tous ceux qui, dans notre parlement, par leurs rapports et leurs discours, ou bien, en Algérie, par la voie de la presse, se sont efforcés de mettre cette question de la colonisation à l’ordre du jour de l’opinion publique ne sauraient être désapprouvés. Leur intervention aura de toute façon été utile, alors même qu’elle n’aurait obtenu d’autre résultat que d’appeler l’attention du pays sur la belle colonie placée vis-à-vis de nos ports de la Méditerranée et qui, à coup sûr, vaut la peine qu’on s’occupe d’elle pour elle-même. Cependant, le service rendu serait plus grand encore si, comme plusieurs l’espèrent, nous étions au début d’une ère nouvelle pendant laquelle la république se donnerait pour mission d’aller fonder au loin des établissemens commerciaux semblables à ceux que nous possédions autrefois et que nous avons perdus. Alors, il est évident que c’est en Algérie que nous aurons à faire notre apprentissage de grande puissance colonisatrice. C’est parmi les troupes déjà habituées à bivouaquer dans les vastes espaces du désert africain que nous aurons chance de recruter des corps spéciaux, faciles à mobiliser, se composant de soldats lestes à la marche, durs à la fatigue, tels que ministres et commissions parlementaires cherchent aujourd’hui à les organiser afin qu’ils aillent porter fièrement notre drapeau au Soudan, au Sénégal, à la Nouvelle-Guinée, au Congo, à Madagascar, en Cochinchine et au Tonkin. C’est à notre personnel de fonctionnaires algériens qu’il faudra nous adresser pour qu’il nous forme le plus tôt possible une pépinière de jeunes administrateurs, assez rompus au métier pour faire accepter leur autorité personnelle par les habitans des pays que je viens de nommer, et capables d’asseoir solidement notre domination parmi des populations à demi sauvages que nous trouverons peut-être aussi récalcitrantes que les Arabes à se ployer aux exigences de la civilisation moderne.

En tout cas, soit que l’on continue à considérer notre conquête de 1830 comme ayant pour longtemps encore des droits presque exclusifs à notre sollicitude, soit qu’on préfère en faire un champ d’expérience et la prendre comme point de départ pour de plus lointaines entreprises, il est temps, et grand temps, que la France sache décidément ce que nos ministres et notre parlement entendent faire de l’Algérie.


Cte D’HAUSSONVILLE.