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ces conservateurs intelligens et dévoués appellent les historiens de l’art à leur aide : ils ont certainement compté sur l’École française de Rome pour obtenir tant d’informations nouvelles sur l’art italien du moyen âge et de la renaissance que doivent contenir les nombreuses galeries et archives italiennes. — L’École, par un de ses membres les plus distingués, devenu désormais un maître en ces matières, M. Eugène Müntz, a répondu amplement à leurs vœux et à ceux du monde savant.

Ce n’était pas une œuvre toute facile. Les trois volumes que M. Müntz a déjà publiés dans la Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome sous ce titre : les Arts à la cour des papes pendant le XVe et le XVIe siècle, résument un travail de plusieurs années continué avec cette persévérance, cette patience infatigable qui est une vertu de l’érudit et une partie notable de la science même. Une critique habile s’ajoute ici, pour donner, à côté des documens, les conclusions. Dans un pays comme l’Italie, où beaucoup de gouvernemens ont mis le soin des beaux-arts au nombre de leurs devoirs et de leurs moyens politiques, on comprend que les archives aient conservé une multitude de témoignages écrits. Les registres de dépenses, tenus avec une exactitude et un détail exemplaires dans ces diverses cours, mais surtout à la cour pontificale, sont les plus fidèles portraits d’une activité qui a été si féconde. C’est une vérité proverbiale que, dans toute administration, petite ou grande, dans celle d’une modeste famille ou dans celle d’un puissant état, le budget est l’ultima ratio : tout vient se résoudre en recette ou dépense. On se rappelle quel heureux parti M. le comte de Laborde avait autrefois tiré des registres de comptes pour l’histoire des arts, à la cour des ducs de Bourgogne. M. Müntz s’est proposé de faire un même emploi des registres pontificaux, au sujet des arts pendant la renaissance. La moisson s’est trouvée énorme, d’autant, plus que M. Müntz l’a multipliée en recourant à d’autres sources encore. Dépôts publics ou privés, de corporations ou de familles, il en est bien peu où il n’ait pénétré. Il s’est fait ouvrir toutes les portes. Il a découvert des archives inconnues, peu s’en faut, des Romains eux-mêmes ; ses copistes ont étonné Rome pendant des années. — Le plan de son travail d’ensemble était tout indiqué : disposer les innombrables documens par ordre chronologique dans chaque pontificat, selon chaque genre de travaux : architecture, peinture, sculpture, arts somptuaires, etc. ; placer au commencement de chaque règne un résumé indiquant, les conclusions nouvelles, insérer les discussions chemin faisant, à propos des textes. Le résultat final est un livre qui, sur ce XVe siècle si brillant par une première renaissance encore assez peu connue, apporte presque à chaque page une information nouvelle. M. Gaëtano