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principale de la basilique, et dont nous avons dit ici même les intéressantes représentations[1]. Un signe du progrès rapide de la renaissance dans Rome et des encouragemens qu’elle devait y rencontrer était la profusion d’ornemens et de vêtemens précieux que les cérémonies pontificales rendaient nécessaires, et à la fabrication desquels de grands artistes comme Ghiberti ne dédaignaient pas de consacrer tous leurs soins. Il faut se figurer la Rome du XVe siècle, avec ces interminables spectacles, processions et cavalcades, prises de possession des papes, promotions de cardinaux. Bannières et gonfanons, armoiries, tentures, catafalques, armures, roses d’or, épées d’honneur, servaient d’inépuisables motifs aux caprices de l’art le plus ingénieux.

Le complet triomphe des arts dont Rome, à partir de la seconde moitié du XVe siècle, allait devenir le théâtre, était bien préparé. Le jubilé de 1450 apportait au trésor pontifical des ressources considérables ; les derniers périls et bientôt la chute de Constantinople faisaient affluer, avec les lettrés, les artistes orientaux. La crainte des Turcs et un progrès de centralisation commun à tout l’Occident de l’Europe contribuaient à affermir la papauté sur de nouvelles bases et à lui faire souhaiter un brillant éclat.

Nicolas V était bien le pontife aux vues larges et hautes qui saurait mettre à profit ce concours de circonstances. Il avait d’immenses projets. Il voulait restaurer les principaux monumens antiques, refaire dans Rome l’alignement des rues et l’accès des places, les relier ensemble par de grandes voies à arcades, reconstruire les murs de la ville. Le reproche de n’avoir pas respecté l’ancienne basilique de Saint-Pierre ne pèse pas sur sa mémoire si, comme il paraît, elle manquait de solidité. Son souvenir est d’ailleurs marqué en traits ineffaçables dans ce palais du Vatican, dont le vaste ensemble devenait le symbole éclatant de la puissance pontificale. Le Belvédère et le bâtiment de la Bibliothèque y sont de lui, ainsi qu’une ceinture de murailles dont une tour subsiste encore. Son nom demeure particulièrement attaché à cette chapelle ornée des fresques délicates de fra Angelico, seul reste important qui nous soit parvenu des merveilles que l’art de la première renaissance avait prodiguées dans le Vatican.

Il n’a pas seulement aimé les arts ; on le voyait entouré sans cesse d’une armée de peintres, de verriers, d’orfèvres, mais aussi d’enlumineurs et de calligraphes. Il avait ses émissaires dans toutes les contrées de l’Europe, à la recherche des médailles et des

  1. Voyez, dans la Revue du 15 septembre 1879, l’Histoire monumentale de Rome et la Première Renaissance.