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troisième île de l’univers, ne le cédant en étendue qu’à la Nouvelle-Guinée et à Bornéo. On ne peut s’étonner surtout qu’ils les excitent à étendre leur domination sur les habitans de la côte occidentale et sur les Sakalaves, nos protégés. Mais les prétentions ne sont pas des droits. Il est à peu près certain que les Malgaches sont des Malais, originaires de quelque archipel de l’Océan-Pacifique, et que, parmi ces Malais, qui ont envahi Madagascar, les Hovas sont les derniers venus. Il est également certain qu’ils ont mis beaucoup de temps à devenir un peuple. Pendant des siècles, la province centrale d’Imerina, où ils ont leur principal établissement, a été divisée en petites souverainetés indépendantes les unes des autres, et naguère encore ils étaient tributaires des chefs des Sakalaves. Leur grandeur a été l’ouvrage de leurs rois. Entre 1810 et 1828, Radama Ier se procura des armes à feu et des munitions, se créa de toutes pièces une armée qu’il équipa à l’européenne, et, non content de secouer le joug de ses voisins, il fit chez eux plus d’une expédition heureuse, massacrant tout ce qui lui résistait, pillant les villages, réduisant en servitude les femmes et les enfans. De ce jour, il aspira à la souveraineté de l’Ile entière, et ses successeurs en firent autant. Cependant, de l’aveu même des missionnaires, un tiers de l’île, au sud et à l’ouest, a conservé son autonomie, et dans plusieurs districts où les Hovas ont pris pied, leur autorité est toujours contestée.

On s’accorde à reconnaître qu’ils sont supérieurs aux autres races, qu’ils ont le teint plus clair et plus d’ouverture d’esprit, qu’ils sont plus propres au commandement et à la conquête. Cela tient en partie à la nature du pays qu’ils habitent, du sol d’où ils tirent leur subsistance. Le versant de Madagascar qui regarde l’Océan-Indien est assez fertile, grâce aux pluies continuelles qui l’arrosent, mais la côte est fiévreuse. En remontant le cours des rivières, après avoir traversé la région des forêts qui forme comme une ceinture sur tout le pourtour de l’île, on arrive à un grand massif granitique presque entièrement dénudé, coupé de petites vallées où les indigènes cultivent leur riz[1]. C’est là que se trouve la province d’Imerina, dont les Hovas prirent jadis possession. La culture y est moins facile que dans la plaine, mais l’air y est plus pur. L’effort est pour un peuple le meilleur des régimes, et les Hovas doivent leur supériorité aux peines qu’ils se donnent pour se nourrir autant qu’à la salubrité de leur climat. Mais ils la doivent surtout à l’éducation qu’ils ont reçue de leurs souverains, qui par des moyens violons les ont dressés à la discipline, leur ont appris à obéir.

  1. Madagascar, par Alfred Grandidier. Bulletin de la Société de géographie du mois d’août 1871.