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LA
RICHESSE ET LA POPULATION

M. Maurice Block, dans le Journal des Débats et ailleurs, a soutenu que l’accroissement rapide de la population est une cause de faiblesse, car il amène la pauvreté, faiblesse incurable ; que la France est dans une situation florissante, car elle ne s’accroît que très modérément et possède peu d’enfans, mais beaucoup d’adultes, condition éminemment favorable à la prospérité. Toutes ces affirmations me paraissent erronées. Je vais essayer de démontrer, — et je crois que la tâche sera facile, — que la prospérité et la puissance d’un peuple sont directement proportionnelles à la densité de sa population.

Supposons, en effet, la France peuplée d’un million d’individus seulement, son sol pourrait-il être exploité ? Non-seulement tous les Français, pris collectivement, seraient moins riches, mais-individuellement ils seraient plus pauvres. Supposons la France plus peuplée ; est-ce que de vastes étendues de terrains, même aujourd’hui mal cultivées ou tout à fait incultes, ne seraient pas rendues productives ? Est-ce l’excès des ouvriers de la campagne qui tue l’agriculture ? On nous a toujours dit le contraire. On nous a répété que, si l’agriculture française périclite, c’est parce que le nombre des travailleurs de la campagne est devenu insuffisant.

Le commerce dépend du nombre des commerçans, l’industrie dépend du nombre des ouvriers, la science dépend du nombre des savans. Sur les grandes masses d’hommes, les forces intellectuelles ou physiques sont, à peu de chose près, proportionnelles au nombre. Dix mineurs font dix fois moins de travail que cent mineurs ; cent Français font dix fois moins de travail que mille Français.

Prenons des chiffres quelconques : admettons que chaque travailleur gagne 5 francs par jour ; admettons en outre que pour son