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dans l’ordre social ; il est l’héritier des philosophes dont il porte le costume, se drapant à l’exomide. Pendant ce temps, la Samaritaine, non plus une gracieuse figure drapée dans sa tunique, mais une pauvre femme court-vêtue, très affairée, tire péniblement un seau du puits. L’eau jaillissante pourtant lui retombe sur les pieds, car ce n’est pas la grâce de Dieu qui fait défaut. Qu’elle sorte du puits ou de la roche du Christ, l’eau baptismale est abondante pour laver les péchés ou pour abreuver les âmes. La pécheresse semble ne pas savoir bien la recueillir. Pour qui compare les deux fresques, celle de Prétextat et celle de Calliste, il y a entre ces deux créations toute la distance d’un simple récit biblique à une conception théologique accentuée : c’est que la première est un peu antérieure à la seconde. Au IIIe siècle, la théologie alexandrine était en floraison : elle avait fait école même à Rome, et ses subtilités n’ont pas toujours aidé à développer la piété simple. Origène enseignait que le puits de la Samaritaine était l’emblème des sens mystiques et profonds de l’Écriture ; il voulait que de ses profondeurs le peuple des croyans tirât un enseignement religieux. » J’avoue très humblement que je n’aperçois aucune espèce de préoccupation théologique dans ces deux fresques. Pour les interprètes des peintures religieuses des catacombes, toute femme auprès d’un puits s’appelle la Samaritaine. Cela va bien quand elle s’entretient avec un personnage ; mais si ce personnage plane en l’air et qu’elle ne semble ni s’occuper de lui, ni le voir, et si elle est seule auprès de la citerne ?

De même, telle ou telle scène d’agapes n’a de sens religieux qu’à cause du lieu ou elle a été peinte. Qu’on transporte à Pompéi celle de l’ambulacre de Domitilla[1] ou celle du cimetière de Calliste[2] ; on verra tout uniment dans la première la représentation d’un simple repas domestique ; dans la seconde, à cause des attitudes des personnages qui paraissent s’évertuer des deux côtés d’une table à trois pieds, une scène de conjuration ou de magie, analogue à celle qu’on a découverte sur les murs d’une chambre du Palatin. Une autre représentation d’agapes a un sens plus manifestement chrétien. Elle est encore dans un cubiculum du cimetière de Calliste[3]. En avant de la table on voit sept corbeilles remplies de pains. Sur la table même, deux couronnes (de pain ? ) et un poisson. Les convives, dont on ne saurait dire sûrement s’ils sont assis ou couchés, bien qu’ils aient un coude appuyé sur une espèce de coussin roulé et cordé, sont au nombre de sept. M. Roller, avec beaucoup

  1. Planche XII, fig. 5.
  2. Planche XXV, fig. 2.
  3. Planche XXV, fig. 3.