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symbolistes à outrance invoque ici une sorte d’institution qu’elle appelle la discipline du secret. C’est un fait qui, suivant quelques exégètes, ressemble à une institution, ou si l’on veut, à une consigne consentie et exactement observée. M. Roller a consacré un petit nombre de pages à la discipline du secret. Elles ne sont pas sans embarras. Les points d’interrogation et expressions de doute y abondent. M. Roller en parle sans conviction et comme pour complaire à une opinion reçue des doctes. Il en donne des raisons dont il ne semble pas lui-même fort satisfait et qui ne sont, en effet, ni lumineuses ni décisives. Cette hésitation fait honneur, selon moi, à sa sagacité. J’oserai l’appuyer et risquerai de contredire sur ce point l’opinion de la plupart des archéologues et des érudits.

Tout le monde s’accorde à reconnaître que la discipline du secret n’apparaît pas dans l’église au Ier siècle. L’évangile y répugne. Les apôtres et les premiers disciples n’ont-ils pas pour mission d’enseigner toutes légations, d’aller et de dire à tous ce qu’ils ont vu et entendu ? Paul, prisonnier à Rome pendant deux ans, ne parle-t-il pas avec franchise et liberté à ceux qui veulent l’entendre ? Nul n’a peur de profaner ou de compromettre la foi en la répandant. Et où est, quelle est l’autorité qui pourrait poser des exceptions, commander la réserve ou le silence sur certains points ? Cependant la religion nouvelle est devenue suspecte à l’opinion et au pouvoir ; elle a été frappée brutalement ; bientôt elle est, en théorie, proscrite et, en fait, souvent persécutée. La propagande ne s’arrête pas pour cela, mais le danger apprend la prudence. Les fidèles prennent des précautions, cachent leurs assemblées et leurs pratiques. D’odieuses rumeurs circulent à ce sujet. On appelle les chrétiens une engeance qui fuit la lumière, se tait en public et jase dans les coins. On dit qu’ils s’adressent aux femmes, aux enfans, aux gens d’esprit borné et de petit état. Qui nous parle alors de réticences, de sous-entendus, d’une partie de la doctrine gardée sous le boisseau ? Le christianisme, dans aucun temps, ne se présenta comme une religion d’hommes triés. L’Odi profanum vulgus et arceo est le contrepied de sa devise. On lui reproche, au contraire, d’être le refuge des pauvres, des misérables et des pécheurs, et saint Laurent, l’archidiacre de Sixte II, dans un touchant passage de ses Actes, sommé de livrer les trésors de l’église romaine, réunit les estropiés et les mendians qu’elle assistait et les présente au préfet de Rome comme ses plus solides richesses. Pline le Jeune, légat de Bithynie en l’année 112, apprend aisément les assemblées des chrétiens avant le jour, leur habitude de chanter des hymnes au Christ-Dieu et leurs simples repas sacrés. On lui divulgue aussi le reste, ce qu’il appelle une « superstition excessive et absurde. » Est-ce qu’au milieu de ce même siècle, saint