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fossoyeurs qui ont creusé les cimetières souterrains de Rome, les peintres qui les ont décorés à la lueur incertaine de lampes fumeuses, les fidèles dont on y a inscrit les noms et marqué la foi en quelques signes, n’ont pas songé que les théologiens futurs pourraient les mettre à la question. Ces témoignages n’en ont que plus de portée, dira-t-on ? Il est vrai, mais à la condition de prendre simplement les choses simples et de ne point oublier « que les auteurs de ces monumens ne prétendaient pas dogmatiser. »

On doit reconnaître que souvent M. Roller s’est souvenu de cet excellent précepte. Par exemple, il a écrit un fort bon chapitre sur la Société des âmes et le Refrigerium. Un grand nombre d’épitaphes portent : Vis avec les saints. — Vivez parmi les saints. — Que ton esprit soit avec les saints. — « Quels sont ces saints ? se demande M. Roller. Sont-ce des canonisés ? Nous avons tout lieu de croire que cette expression embrasse, avec les apôtres et les martyrs, tous les fidèles arrivés auprès de Dieu et vivans en lui. C’est aussi le sens de la formule « communion des saints, » ajoutée au symbole, comme pour traduire dans un monument de la foi la confiance populaire en la possibilité de s’unir aux élus dans l’autre vie, ainsi qu’aux fidèles dans celle-ci. »

Il est une autre espèce d’épitaphe dont voici quelques types : REFRIGERA CVM SPIRITA SANCTA (pour Spiritibus sanctis) : Rafraîchis-toi avec les esprits saints. — ANTONIA ANIMA DVLCIS TIBI DEVS REFRIGERIT (pour refrigeret) : Antonia, chère âme, que Dieu te rafraîchisse. — ΕΥ PEΦPIΓEPI : Sois bien rafraîchi. — AMERINUS CONIVGI RVFINE SPIRITVM TVVM DEVS REFRIGERIT : Amerinus à sa femme Rufina, que Dieu rafraîchisse ton esprit. — NICEPHO-RVS ANIMA DVLCIS IN REFRIGERIO : Nicéphore, chère âme, dans le rafraîchissement. — SPIRITVM IN REFRIGERIVM SVSCIPIAT DOMINVS : Que Dieu mette ton esprit dans le rafraîchissement. — M. Roller considère ces épitaphes comme appartenant au dernier quart du IIIe siècle jusqu’au premier quart du IVe. Il paraît oiseux de se demander si ces formules sont optatives ou déprécatives, s’il faut y voir des prières et des requêtes expresses ou seulement des vœux et des souhaits. Du vœu à la prière la marge est petite. Mais quel est le sens de ces formules ? Avec grande raison, ce semble, M. Roller les entend comme des vœux, des souhaits ou des prières pour que l’âme du défunt ou de la défunte soit bien, — in bono est-il écrit ailleurs, — et qu’elle ait sa part du banquet céleste. Le mot refrigerium et le verbe refrigerare, pris tantôt comme verbe actif, tantôt comme verbe neutre, n’a pas d’autre sens que celui-là, et l’on ne saurait y voir, comme font plusieurs, une profession de foi au purgatoire où les âmes attendraient la félicité. Dans les actes