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II

Le voile le plus léger est déjà un vêtement, en ce sens qu’il modère la déperdition de chaleur que le rayonnement fait éprouver au corps nu. C’est ainsi qu’un ciel nuageux protège la terre contre le refroidissement excessif pendant les nuits de printemps ; le serein ne tombe que lorsque les nuages font défaut. En nous couvrant d’enveloppes multiples, dont nous augmentons l’épaisseur protectrice à mesure de la rigueur des saisons, nous arrivons à ralentir le rayonnement du corps comme par une suite d’étapes ou de relais. Le linge, les vêtemens de dessous, le manteau, nous constituent plusieurs épidermes artificiels. La chaleur que la peau abandonne va chauffer ces enveloppes superposées ; elle les traverse d’autant moins vite que les étoffes sont plus mauvais conducteurs ; parvenue à la surface, elle s’échappe, mais sans nous faire éprouver les frissons que nous causerait le contact direct de l’atmosphère, puisque ce sont nos vêtemens qui ont froid pour nous. Les poils et les plumes des animaux remplissent la même fonction par rapport à la peau : ils servent à éloigner du corps le siège de l’échange calorifique. Ce qui rend encore plus efficace la protection que nous devons à nos vêtemens, c’est qu’ils sont toujours ouatés d’une couche d’air tiède dont la température se maintient généralement entre 24 et 30 degrés. Chacun de nous a ainsi sa petite atmosphère particulière qui l’accompagne partout et se renouvelle sans se refroidir. L’animal, sous sa fourrure, trouve aussi un surcroît de protection dans la couche d’air qui remplit les interstices des poils. C’est grâce à l’air qu’elles renferment que les étoffes moelleuses, les fourrures, les plumes, tiennent si chaud, comme nous l’expliquerons dans la suite plus amplement.

Il y avait évidemment un grand intérêt à déterminer par des expériences directes les différences qui existent entre les diverses étoffes au point de vue de la facilité avec laquelle elles se laissent traverser par la chaleur. Le premier qui se soit livré à des expériences de ce genre, c’est, si je ne me trompe, le célèbre comte de Rumford, à qui l’on doit aussi des recherches sur la nature de la chaleur, sur les moyens d’économiser le combustible, sur le pouvoir nutritif des substances alimentaires, et qui a donné son nom à une soupe économique, à un foyer d’une construction particulière, à un thermoscope, etc. Il a été l’un de ceux qui ont pressenti la théorie mécanique de la chaleur. Les expériences dont il s’agit ici furent exécutées vers 1786. Rumford se servait d’une boule de verre de 0m,04 de diamètre, surmontée d’un tube par