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se couvrir de vêtemens suffisans, afin de les protéger contre les fièvres paludéennes, la dyssenterie, le choléra et d’autres maladies[1]. D’après Pâtissier, des mesures semblables ont été trouvées efficaces pour protéger la santé des ouvriers occupés à élever des digues, à ouvrir des canaux et des fossés dans les terrains marécageux, tandis qu’avant l’emploi de ces précautions la mortalité par suite des fièvres était considérable parmi eux. Ce serait encore une sage mesure si nos soldats, dans la zone de la province romaine et dans les régions de malaria, ne cessaient de porter de la laine sur la peau pendant l’été, ou des vêtemens de drap. » En effet, le pantalon et la veste de toile s’imprègnent de sueur pendant la marche et deviennent dangereux quand le soldat se repose ensuite à l’air libre.

Les propriétés hygiéniques de la laine sont dues, d’abord à une légère rudesse de la surface, qui excite les fonctions de la peau, puis à cette porosité qui, ainsi que nous l’avons expliqué, modère la dépense de calorique et empêche le refroidissement trop brusque du corps. En excitant la sécrétion cutanée, M. Balestra pense que la flanelle contribue à éliminer du corps les miasmes paludéens absorbés par les pores en même temps qu’à le débarrasser des dépôts qui causent les affections rhumatismales. Cette hypothèse est confirmée par la singulière connexité qui semble exister, sous ces climats, entre les fièvres rhumatismales et les fièvres intermittentes. En outre, grâce à leur duvet, les étoffes de laine arrêtent au passage une partie des germes charriés par l’air, qui arrive ainsi à la peau filtré et purifié. M. Balestra a constaté ce pouvoir filtrant des tissus de laine épais et velus par des expériences directes faites dans les régions paludéennes. Inutile d’ajouter que ces vêtemens protecteurs devront être souvent mis à la lessive.

Après les tissus de laine, vient le coton, encore préférable à la toile, parce qu’il excite doucement la peau. La soie aussi est chaude à la peau. « Elle peut en hiver être substituée à la flanelle ; si on voulait la porter sur la peau pendant l’été, on la supporterait difficilement, à cause de la chaleur excessive qu’elle provoqua, » Enfin M. Balestra insiste sur l’utilité qu’il y a, pour les habitans des campagnes malsaines, à ne jamais sortir sans un manteau ou une couverture de laine, en prévision des changemens atmosphériques ; les anciens Romains portaient bien sur la tunique les amples vêtemens de dessus, qui ne les quittaient jamais. Il n’est pas moins important de se bien couvrir pendant la nuit ; c’est une précaution recommandée à tous ceux qui séjournent sur un terrain marécageux.

  1. Chez nous, le pantalon de flanelle bleu foncé a été adopté depuis peu pour les troupes de la marine, et il est question de remplacer aussi le paletot de molleton par le paletot de flanelle. (Napias et Martin, Progrès de l’hygiène en France, 1888.)