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que l’air n’est jamais vicié au point qu’on pourrait craindre, par l’humidité qui se développe, par l’acide carbonique provenant de la respiration, de l’éclairage et du chauffage, par les effluves et les poussières de toute sorte que soulève le tourbillon de la vie. Il est indispensable de tenir compte de cette avance gratuite que nous fait la nature, lorsqu’il s’agit de fixer l’appoint qu’il y a lieu de demander à des moyens artificiels ; autrement on s’expose à tomber dans de grandes exagérations.

Lorsqu’une enceinte fermée où se trouve un nombre donné de personnes est soumise à une ventilation régulière, il s’établit, au bout d’un certain temps, un régime permanent : l’altération de l’air, arrivée à une certaine limite, ne varie plus, les gaz nuisibles étant éliminés au fur et à mesure qu’ils se développent. La proportion d’acide carbonique est dès lors constante ; on l’obtient simplement en supposant que l’acide dégagé se distribue dans le volume d’air introduit par la ventilation. Cette proportion limite est donc indépendante de l’espace cubique disponible[1]. Une ration d’air de 40 m.c., par exemple, avec une production d’acide carbonique de 20 litres, auxquels s’ajoutent les 16 litres d’acide contenus dans les 40 m. c. d’air frais, donne une proportion de 0,0009, quel que soit d’ailleurs l’espace disponible. La capacité de l’enceinte n’a d’autre rôle que celui de retarder le moment où s’établit le régime constant : elle agit comme un réservoir qui se remplit peu à peu, jusqu’à ce qu’il renferme la même proportion d’acide que le courant d’air qui le traverse ; mais, une fois saturée, elle n’intervient plus dans la marche du phénomène. L’avantage d’un espace cubique considérable consiste donc, avant tout, en ce qu’il retarde le moment où l’altération de l’air atteint sa limite, qui ne sera plus dépassée. S’il s’agit d’un local qui ne doit être occupé que pendant quelques heures, comme les dortoirs, les lieux de réunion, cette considération a son importance, car on pourra toujours s’arranger de façon que la proportion limite ne soit pas atteinte avant la fin du séjour prévu.

Supposons, par exemple, que la ventilation puisse fournir 6 mètres cubes d’air frais par individu et par heure. C’est la ration d’air qui, d’après Péclet, pourrait à la rigueur suffire, parce que 6 mètres cubes d’air à moitié saturé à 15 degrés peuvent dissoudre les 35 ou 40 grammes de vapeur d’eau fournis par la transpiration. L’air frais contenant déjà une dose de 0,0004 d’acide carbonique, à laquelle la respiration ajoute 0,0033, on trouve que la proportion

  1. Ce résultat, qui rectifie une erreur du général Morin, peut se déduire des formules de M. Ch. Herscher. La différence entre la dose actuelle d’acide carbonique et la dose limite décroît en progression géométrique ; lorsqu’elle est suffisamment réduite, on peut admettre que le régime devient constant.