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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 juillet.

Le mot du poète, l’ære perennius, est bon pour les poètes, il ne s’applique guère aux œuvres de la politique du jour, et il ne suffit pas, pour conquérir la durée, de décréter de pompeux anniversaires comme celui qu’on célèbre aujourd’hui, ou d’ériger quelque massive statue de bronze sur une place publique avec accompagnement de harangues municipales. Ce n’est point par des discours, par des fêtes ou par des monumens de l’infatuation de parti que les régimes se fondent et durent. Mieux vaudrait, pour s’accréditer et mériter de vivre, un peu de sagesse et de prévoyance dans le gouvernement, le simple goût du bien et de l’équité dans les affaires publiques, un zèle dévoué et attentif dans l’administration des intérêts nationaux ; mieux vaudrait remplacer le bruit, la jactance et les violences par quelques modestes et libérales qualités consacrées au pays. Avec cela, on ne ferait peut-être pas encore de grandes choses, on ferait dans tous les cas des choses utiles, sérieuses, et on servirait honnêtement la France, aussi bien que le régime auquel on prétend donner la durée. On s’épargnerait du moins les mécomptes d’une politique qui n’est le plus souvent qu’un mélange d’imprévoyance, de confusion et d’excès de parti. On éviterait de tout compromettre, de perdre de longues sessions en débats stériles, de conduire le pays à ce point où, à la veille des vacances, il a pour toute perspective des finances incohérentes, des institutions judiciaires et militaires ébranlées, des querelles religieuses qui ne finissent pas, une situation diplomatique diminuée en Europe, une guerre peut-être imminente dans l’extrême Orient. Il y a bien de quoi se vanter et de quoi illuminer en promettant à la république ainsi conduite la durée de la statue de bronze qu’on inaugure aujourd’hui !