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bien lui assurer des ressources qu’on ne peut plus trouver dans un système d’emprunts indéfinis, et c’est précisément dans l’intérêt de ce budget extraordinaire que le gouvernement s’est enfin décidé à négocier avec les grandes compagnies de chemins de fer une série de conventions qui sont en ce moment même soumises à la ratification des chambres. L’objet de ces conventions est d’alléger le fardeau de l’état, de dégager autant que possible la situation financière des dépenses extraordinaires qui la surchargent en associant les compagnies à la construction des lignes les plus essentielles du réseau complémentaire des chemins de fer.

Ainsi, voilà où l’on en revient ! Après avoir rêvé toute sorte de projets gigantesques et chimériques, dont l’exécution serait la ruine de l’état, on est réduit à avouer qu’on avait effectivement trop entrepris, qu’il faut s’arrêter et abandonner au moins pour le moment une bonne partie de ce plan fastueux et désastreux auquel M. de Freycinet a attaché son nom. Après avoir tant déclamé depuis dix ans contre les compagnies qui ont été les grandes exécutrices du réseau français, après les avoir menacées de les déposséder de leurs concessions par un rachat aussi onéreux que périlleux, on est obligé de reconnaître que ce qu’il y a de mieux, c’est de s’entendre avec elles, de leur demander un concours qui ne peut certainement être qu’utile et efficace. Oh ! sans doute, les théoriciens de la commission des chemins de fer établie au Palais-Bourbon ne se rendent pas si aisément. Ils n’ont pas renoncé à leurs utopies sur le rôle de l’état dans les chemins de fer, à leur campagne contre l’industrie privée, contre ce qu’ils appellent les monopoles, et ils ont même déployé dans ces dernières semaines une certaine habileté de tactique pour obtenir l’ajournement des conventions. C’eût été un rejet déguisé dont ils auraient évidemment triomphé ; mais il y a quelque chose de plus fort que l’esprit de système, c’est la nécessité qui presse, qui s’impose, et le gouvernement lui-même, à ce qu’il paraît, n’a point hésité à déclarer qu’il avait besoin de savoir à quoi s’en tenir sur les conventions, sans lesquelles il ne pourrait préparer son budget extraordinaire, qu’il prolongerait ; s’il le fallait, la session parlementaire. On s’est rendu, c’est M. Rouvier qui a fait le rapport sur l’œuvre de diplomatie financière et industrielle. On va donc discuter, on renouvellera des déclamations surannées, — puis on votera, selon toute apparence, les conventions, parce qu’on ne peut guère les rejeter, et c’est encore heureux que, sous l’influence d’une nécessité impérieuse, on en revienne à la seule combinaison qui ait réellement un caractère sérieux et pratique.

Comment, en effet, aurait-on pu agir à défaut de la combinaison qui vient d’être adoptée ? Assurément mieux aurait valu, dès le début ; avant de s’engager dans l’exécution d’un plan si coûteux et, en partie, peu utile, se rendre compté de ce qu’il y avait de démesuré, de chi-