Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 58.djvu/630

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

montés par de jeunes garçons. Un de ceux-ci, penché en avant, indique bien par son attitude la rapidité de sa monture et sa propre ardeur. Peut-être conduit-il un cheval mantouan, car les chevaux élevés sur le territoire de Mantoue étaient renommés dans toute l’Europe pour leur vitesse[1]. À ces courses assistent le duc de Ferrare et les personnages de son intimité, placés plus haut devant une ligne de monumens et de palais qui sont pourvus de portiques et auxquels fait suite, à droite, la façade d’une petite église consacrée à saint Sébastien. C’est à gauche, sous la principale arcade de ces portiques, dont l’ouverture laisse voir au loin une porte crénelée et un édifice à mâchicoulis, que Borso se tient à cheval. Quelques-uns des spectateurs sont, à son exemple, restés sur leurs chevaux. D’autres sont assis ou debout, tandis que des pages et des palefreniers, à droite, gardent et surveillent leurs montures. Quelques-uns de ces chevaux se présentent de face, à peu près comme ceux de Saint-Marc à Venise, auxquels ils font penser. Ce ne sont pas seulement les hommes qui jouissent de cette fête animée : un certain nombre de nobles dames en prennent commodément leur part derrière des balcons tendus de riches tapis ou d’étoffes précieuses.

Les courses dont on a voulu donner ici une idée et perpétuer le souvenir avaient régulièrement lieu le 23 avril, jour de la fête patronale de Saint-George, dans la Grande rue et dans la rue des Sablons, en présence du souverain et de toute la noblesse[2]. Mais on en faisait également à l’occasion des événemens mémorables, en signe d’allégresse publique. Ainsi, quand Albert, marquis de Ferrare, revint de Rome, où il s’était rendu en pèlerin[3] avec une suite nombreuse pendant le jubilé de l’année 1391, et où il avait obtenu de Boniface IX, entre autres faveurs, une importante bulle relative à la transmission des immeubles séculiers soumis à des droits ecclésiastiques et l’autorisation de fonder une université jouissant des mêmes privilèges que celles de Bologne et de Paris, il y eut, parmi les réjouissances multiples que l’on organisa, deux courses d’hommes, une course de femmes, une course d’ânes et trois courses de chevaux. Le 26 mai 1471, Borso aussi, après le voyage à Rome

  1. On y élevait encore des chevaux destinés à toute espèce de service. Voulait-on faire un cadeau princier, on donnait un cheval mantouan. (Bürckhardt, die Cullur der Renaissance, p. 231, dans l’édition de 1869.)
  2. Il y avait aussi du temps de Borso des spectacles qui semblaient être des réminiscences de la Rome païenne. Le duc de Ferrare faisait combattre entre eux des lions, des taureaux, des ours et des sangliers.
  3. Dans une niche adossée à la façade de la cathédrale une statue exécutée en 1393 le représente dans ce costume.