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et de Mantegna, dont Tura s’est souvent inspiré, et ne sont pas sans quelque analogie avec le Saint George de la cathédrale.

Tout autre est le style des deux premiers sujets dans lesquels apparaît Borso et où il y a de si intéressans portraits. On pense généralement qu’ils sont de Lorenzo Costa[1]. Les tendances propres à l’ancienne école de Ferrare s’y combinent avec des élémens étrangers qui font songer à l’école florentine. Or, après avoir reçu à Ferrare les enseignemens soit de Cosimo Tura, soit de Francesco Cessa, Lorenzo Costa se rendit en Toscane, au dire de Vasari, et y étudia les œuvres de Filippo Lippi et de Benozzo Gozzoli. S’il ne put, étant né en 1460, connaître Lippi, mort en 1469, peut-être entra-t-il en relations directes avec Benozzo, mort seulement en 1478, et apprit-il de lui l’art de reproduire d’après nature la figure humaine avec cette élégance ingénue qui nous charme tant au Campo-Santo de Pise, dans la chapelle du palais Riccardi, dans l’église de Saint-Augustin, à San-Gimignano, et dans celle de Montefalco, près de Foligno. Revenu à Ferrare, Costa, malgré sa jeunesse, fut très apprécié de ses compatriotes. Il fit pour la cour, pour les églises, pour les palais particuliers, des tableaux et des portraits tenus en grande estime. C’est à lui qu’Hercule Ier confia le soin de peindre le portrait de son fils Alphonse, encore petit enfant. On peut donc admettre qu’il fut appelé à concourir à l’exécution des fresques du palais de Schifanoia et à y représenter les personnages dont on désirait conserver les traits à la postérité[2]. Les dates ne s’y opposent pas, puisqu’il ne se fixa à Bologne que vers 1483. A la vérité, il n’avait que vingt-trois ans. Mais pourquoi se refuserait-on à croire que, pendant son séjour dans la capitale des Bentivoglio, il revint de temps en temps à Ferrare pour répondre à de pressantes sollicitations? C’est la seule façon d’expliquer le grand nombre de ses productions mentionnées par Vasari comme exécutées dans sa patrie.

Le nom d’un troisième peintre se présente tout naturellement à l’esprit quand on regarde la zone supérieure des trois premiers mois. C’est celui de Piero della Francesca[3]. En présence des groupes qui se trouvent aux côtés de Minerve, de Vénus et d’Apollon, groupes où

  1. Né en 1460, il mourut en 1535.
  2. Selon MM. Crowe et Cavalcaselle, c’est à Cosimo Tura ou à Costa que l’on devrait attribuer la zone inférieure des mois de mai, de juillet, d’août et de septembre. Dans la zone intermédiaire, le signe du Bélier (en mars), le signe du Taureau (en avril), le signe de la Vierge (en août), et celui de la Balance (en septembre) auraient également pour auteur Tura ou Costa. Dans la même zone, le signe du Lion (en juillet) serait de Galasso ou de Tura. La zone supérieure du mois d’août au-dessus de la Vierge) et celle du mois de septembre (au-dessus de la Balance), seraient de Tura.
  3. Piero naquit à Borgo San Sepolcro vers 1416 et mourut en 1492 — (Vasari, édit. Milanesi, II, 501, note.)