Quand j’entends accuser le peuple français de légèreté, je pense
involontairement à deux hommes, à Calvin, à Coligny. Il y a dans
l’histoire de l’humanité peu de figures plus sérieuses, plus austères.
Calvin et Coligny ont bu tous deux aux mêmes sources du pur
évangile, ils ont eu les mêmes ambitions, les mêmes pensées, ils
ont servi sous des costumes différens un maître plus puissant que
tous les rois de la terre. Le théologien, sorti de l’ombre de la cathédrale de Noyon, Picard raisonneur et subtil, logicien sans merci,
fut le guide spirituel de l’homme d’épée qui, par la puissance de
son caractère bien plus que par la grandeur de sa maison, ou même
par sa valeur guerrière, se fit bientôt reconnaître de tous comme le
bras armé de la réforme française. On ne peut comparer un instant
Coligny à ces membres d’une sorte de prolétariat princier qui, en
Allemagne, avaient épousé les idées nouvelles pour s’en faire un
instrument de domination ou de conquête, ni à ces grands qui, en
France, n’aspiraient qu’à rendre les grands offices de la couronne
héréditaires dans leur famille. A aucun moment de sa vie, il ne
songea à se créer quelque souveraineté, comme fit plus tard le duc
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COLIGNY
I.
LA PREMIÈRE GUERRE DE RELIGION EN FRANCE.
Gaspard de Coligny, amiral de France, par M. le comte Jules Delaborde,
3 vol. Paris, 1882; Fischbacher.