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Coligny appliqua aux gens de pied des règles de discipline extrêmement sévères connues sous le nom d’ordonnances. « Croy, dit Brantôme, que depuis qu’elles ont esté faictes, les vies d’un million de personnes ont esté conservées, et autant de leurs biens et facultés, car auparavant ce n’estoit que pilleries, voleries, briganderies, rançonnement, meurtres, querelles et paillardises parmi les bandes, si bien qu’elles ressemblaient plustost compagnies d’Arabes et de brigands que de nobles soldats. » Il y a une terrible monotonie dans les pénalités des ordonnances. « Le soldat qui fautra à la faction sera passé par les picques,.. le soldat qui ne se trouvera aussi promptement à une alarme, comme son enseigne, sera passé par les picques, etc. — Celui qui forcera femme ou fille sera pendu et estranglé. — Le soldat qui pipera au jeu ou dérobera les armes d’un autre, sera pendu et estranglé... » Tout est sur ce ton : le blasphème est puni de la peine du carcan « par trois divers jours, trois heures à chacune fois, » et le soldat qui aura juré le nom de Dieu en vain, « la teste nue, demandera pardon à Dieu. »

La maréchale de Châtillon mourut chez son frère le connétable, le 12 juin 1547 ; elle s’était laissé prendre aux nouvelles doctrines religieuses, comme son amie Mme de Soubise, « la seule femme noble, dit M. Delaborde, qui antérieurement à 1547, eût franchement adhéré aux doctrines de la religion nouvelle. » Ces doctrines, au reste, ne semblaient pas encore hérétiques ; les âmes délicates n’y voyaient qu’une purification du christianisme, une séparation plus complète du divin et du terrestre. Quelques mois après la mort de sa mère, Coligny épousa Charlotte de Laval, qui, orpheline de bonne heure, avait été élevée par les soins de son tuteur le connétable, et peu après, d’Andelot épousa Claude de Rieux, la nièce de Charlotte de Laval. Nommé lieutenant-général en Boulonnais, Coligny fut mêlé activement aux négociations qui précédèrent la reprise de Boulogne par le roi de France et fut envoyé en Angleterre pour recevoir le serment d’Edouard VI sur l’observation de la paix. Il alla recevoir peu après, à Nantes, lord Northampton, qui apportait à Henri II l’ordre de la Jarretière. Le roi le nomma gouverneur de Paris et de l’Ile-de-France pour le récompenser de ses services dans le Boulonnais, et quand il prépara son expédition dans les Trois-Évêchés, il lui donna dans son armée le commandement de dix mille fantassins. L’honneur de défendre Metz contre Charles-Quint ne fut pas accordé à Coligny ; pendant le siège fameux de cette place, défendue par le duc de Guise, il dut rester en Lorraine dans l’armée d’observation du connétable. Il ne conservait plus au reste la charge de colonel-général de l’infanterie que comme un dépôt qui devait être remis à d’Andelot, dès que celui-ci, alors prisonnier de guerre au château de Milan, serait revenu de captivité ; car le roi