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de vivre continuellement en guerre : Henri Il était bien le fils de François Ier, et les Guises brûlaient toujours du désir de voir recommencer les hostilités. Le pape avait envoyé en France son neveu le capitaine Caraffa devenu cardinal, qui se concerta avec les Guises pour faire rompre la trêve de Vaucelles. Paul IV, qui, suivant le mot d’Estienne Pasquier, « étoit devenu nouveau gendarme, soudain qu’il avoit esté appelé à la papauté, » cherchait partout des alliés contre l’Espagne. Coligny, qui avait inspecté son gouvernement de Picardie et qui en connaissait toute la faiblesse, supplia le roi de ne pas rompre la trêve et rappela les promesses faites par le roi d’Espagne; le légat donna à Henri II une épée bénie par Paul IV et lui dit qu’il avait le pouvoir de le délier du serment prêté pour l’observation de la trêve. Guise se promettait déjà d’aller à la conquête de Naples avec la fleur de la noblesse française. Pour le connétable, il disait en grommelant que, si on y allait à cheval, on en reviendrait à pied. Coligny répétait « que les événemens étoient toujours funestes et Dieu vengeur indubitable, en tous siècles, des parjuremens. » il se retira mécontent à Châtillon et médita de se démettre du gouvernement de Picardie. Son frère d’Andelot, qui avait été tenu pendant trois ans dans la plus dure captivité à Milan, était revenu en France et avait pris le commandement de l’infanterie française; le fils du connétable, François de Montmorency, revenu aussi de captivité, avait le gouvernement de l’Ile-de-France. Coligny dut retourner en Picardie sur les instances du connétable et s’occuper de renforcer les garnisons des places frontières.

La trêve fut rompue de deux côtés à la fois. Le duc de Guise partit pour l’Italie et le roi donna à Coligny l’ordre de se jeter sur une des places des impériaux. « L’amiral, non sans regret et contre tout ce qu’il avait pu remonstrer, rompit aussi les tresves, au Pays-Bas.» (De La Place.) Il tenta inutilement d’entrer par surprise dans Douai, se jeta sur Lens, rasa la ville et, rentré dans son gouvernement, écrivit au roi: « Sire, il me déplaist bien fort que Je n’ay meilleur subject de vous faire cette despesche, mais de telles choses que celle qui m’avoit mené au lieu d’où je viens il ne peult advenir que ce qu’il plaît à Dieu en ordonner. »

Engagée avec une coupable légèreté, la guerre finit par un désastre : le duc de Savoie, après avoir fait mine de menacer Guise, se jeta précipitamment sur Saint-Quentin. L’armée française fut mise en pleine déroute et presque anéantie, le connétable fut fait prisonnier; en apprenant le résultat de la journée de Saint-Laurent (c’est le nom que lui donnent les Espagnols), Charles-Quint s’écria : « Mon fils doit être à Paris ; » mais Philippe, qui n’avait point l’âme guerrière de son père, s’attarda au siège de Saint-Quentin. L’amiral