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fin, vos enfans infâmes vallets de vos ennemis accreus par la guerre et triomphans de vos labeurs. Je vous donne trois semaines pour vous esprouver, et quand vous serez à bon escient, fortifiée contre tels accidens, je m’en irai périr avec vous et avec nos amis. » L’amirale répliqua : « Ces trois semaines sont achevées. »

Coligny monte à cheval et, quelques jours après, il se trouve entouré d’une troupe nombreuse. Le 30 mars, il était déjà avec le prince de Condé sous les murs de Paris avec mille gentilshommes ; il marcha sur Orléans avec une armée sans cesse grossissante. La reine mère et le roi ayant été ramenés de Fontainebleau à Paris par Antoine de Bourbon, par le duc de Guise et le connétable de Montmorency, les protestans firent d’Orléans leur capitale et leur grande place d’armes. La guerre commencée, Condé et Coligny furent bientôt contraints de demander du secours à l’étranger. De Bèze, raconte que lorsqu’il fut question pour la première fois, dans le conseil du prince, de faire appel aux princes allemands, « l’amiral leur rompit la délibération, disant qu’il aimoit mieux mourir que consentir que ceux de la religion fussent les premiers à faire venir les forces étrangères en France. » On se contenta d’abord d’envoyer deux gentilshommes en Allemagne pour bien faire comprendre aux princes les causes de la guerre ; il fut résolu que ces ambassadeurs ne bougeraient d’Allemagne jusqu’à la paix ; s’il était nécessaire d’appeler les Allemands, on leur enverrait de nouvelles instructions. On hésitait encore, on députa cependant auprès du duc de Savoie, auprès de la reine Élisabeth ; d’Erlach, qui avait été longtemps auprès de Coligny, porta un message aux cantons. On voulait seulement au début exciter des sympathies, mais on se laissa glisser par degrés dans les négociations les plus dangereuses. Coligny n’épargnait pas les efforts pour détacher son oncle le connétable du triumvirat ; il adressait dépêches sur dépêches à la reine mère ; des deux côtés, l’on ne songeait plus en réalité qu’à gagner du temps et à augmenter ses forces. L’Espagnol offrait trente mille hommes de pied et six mille chevaux au roi de France ; les triumvirs avaient levé six mille Suisses ; le rhingrave leur avait donné vingt enseignes de lansquenets: Rockendorf amenait six cornettes de reîtres. La campagne commença mal pour les protestans, et il fallut enfin en venir au recours des forces étrangères. On envoya Briquemault en Angleterre ; d’Andelot alla en Allemagne pour hâter les levées déjà préparées.

Coligny tenta de sauver Bourges, assiégée par les catholiques ; il alla inquiéter l’armée de siège et réussit à enlever un convoi qu’on y amenait près de Châteaudun ; mais il ne put empêcher Bourges de capituler, et il ne resta plus aux réformés qu’Orléans et