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frère, qui était retourné à la cour, tenait fortement pour les droits de la couronne de France. Il était, comme Condé, aussi éloquent que brave; mais Smith tenait ferme contre eux, et Elisabeth s’indignait contre ses protégés. Middlemore vit Coligny à Essonne, quand l’amiral était en route pour la cour : il se fit l’organe des doléances de sa souveraine. A son tour, l’amiral se plaignit des procédés dont la reine avait usé à son égard : n’avait-elle pas dit de lui qu’il était le plus faux des hommes et qu’elle voulait déclarer hautement que l’intention de lui-même et de ses amis n’était pas d’établir la religion, mais de renverser le roi, et de se faire des rois et des maîtres souverains? Jamais il n’avait promis par lettre ou autrement à la reine d’Angleterre qu’elle pourrait garder Le Havre jusqu’à la restitution de Calais (aux termes du traité de Cateau-Cambrésis, Calais ne devait être restitué à l’Angleterre qu’après un délai qui expirait en 1567) ; il défiait qu’on lui montrât une lettre où il eût fait cette promesse; personne ne pouvait rien donner, rien promettre au détriment des droits du roi.

Toutes les négociations furent inutiles; la force seule pouvait arracher Le Havre à Elisabeth : d’Andelot, bien que la reine mère lui eût rendu sa charge de colonel-général, ne prit point de part au siège, non plus que Coligny. Cette réserve s’explique de leur part; pour Condé, il avait longtemps hésité; il avait refusé le commandement de l’armée, puis subitement il avait congédié Middlemore, l’agent d’Elisabeth; et avait rejoint l’armée. Elisabeth n’avait rien gagné par son obstination ; aux termes de la paix conclue après la prise du Havre, elle perdit tous ses droits sur Calais.


III.

Pendant les quatre années qui séparent la première guerre civile de la seconde, Coligny demeura principalement à Châtillon ; à la fin de l’année 1553, il dut sortir un moment de sa retraite. La duchesse de Guise avait présenté au roi et à la reine, à Chantilly, une requête dans laquelle elle demandait que le roi renvoyât à l’un des parlemens de France la connaissance des poursuites qu’elle voulait exercer contre les Châtillon. Bien que le roi eût évoqué l’affaire au grand conseil, ce qui excluait tous les parlemens du royaume du droit de connaître la cause, la requête de la duchesse de Guise fut envoyée à l’amiral. Il partit avec son train ordinaire pour Fontainebleau, où s’était portée la cour ; pendant qu’il était en route, la reine lui fit dire de retourner à Châtillon, mais Coligny répondit « qu’il ne pouvoit rebrousser chemin que, premier, il n’en eût été entendu