Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 58.djvu/718

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas cessé d’avoir ce droit, et il est toujours libre de l’exercer. Il n’est pas plus désarmé en cela qu’il ne l’est pour cet intérêt stratégique dont on a parlé, qu’on a cru découvrir, et, à vrai dire, il n’a jamais été désarmé. Est-ce qu’en 1870 ce sont les compagnies qui ont manqué ? En dix jours, la compagnie de l’Est a trouvé le moyen de transporter à la frontière cent quatre-vingt-six mille hommes avec tout le matériel. S’il y a eu des désordres et des confusions, ils sont venus des administrateurs militaires. Depuis dix ans, il y a au ministère de la guerre une commission des chemins de fer, et elle n’a pas sans doute attendu d’être aussi solennellement avertie pour préparer les règlemens qui suffiraient à tout dans le cas d’une mobilisation nécessaire. L’état n’a pas besoin d’être propriétaire, administrateur, gérant des chemins de fer pour en disposer le jour où la défense du pays l’exigerait. On a donc pu voter sans embarras ces conventions destinées à siéger la situation financière, et si, depuis cinq ou six ans, il n’y avait eu que des mesures semblables proposées par les ministères, votées par la chambre, bien des difficultés qui existent aujourd’hui auraient été épargnées au pays.

De nos affaires intérieures, concentrées pour le moment dans ce double débat du Palais-Bourbon et du Luxembourg, il en sera ce que les chambres auront décidé avant les vacances, qui vont s’ouvrir d’une heure à l’autre. Les discussions sont malmenant épuisées, tout a été dit. Sur tous ces points de notre politique intérieure, on sait désormais à peu près à quoi s’en tenir. On n’est pas aussi bien fixé, à la veille du prochain congé parlementaire, sur d’autres questions qui n’ont pas moins de gravité puisqu’elles touchent à nos rapports extérieurs, à notre influence, à la direction de la politique française dans le monde.

Des interpellations, il est vrai, se sont produites depuis quelques jours dans les deux chambres : c’était une curiosité assez naturelle de désirer avoir avant les vacances quelques éclaircissemens sur ces entreprises lointaines où la France se trouve engagée aux bords du Fleuve-Rouge comme dans le canal de Mozambique. Le gouvernement a été interrogé, et il a répondu. À parler franchement, rien n’a été éclairci. M. le ministre des affaires étrangères n’a pas laissé même de montrer quelque embarras en répondant à la question que M. le duc de Broglie lui adressait au sujet de l’état présent de nos affaires dans le Tonkin. Y a-t-il guerre ouverte ? Sommes-nous encore dans la phase des négociations diplomatiques avec l’Annam et la Chine ? Ce n’est pas, à ce qu’il paraît, facile à définir. Non, sans doute, ce n’est pas la guerre, si l’on veut. Elle n’a point été déclarée par le roi ou l’empereur Tu-Duc ; elle ne l’a pas été non plus par la France : on n’a pas eu à demander au parlement l’autorisation nécessaire pour une déclaration de guerre.