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territoires, quoique semblables acquisitions ne soient pas sans entraîner quelques risques et sans occasionner beaucoup de dépenses, c’est une intention louable sans doute, mais elle n’exclut point apparemment celle de tirer, en même temps, tout le parti possible d’autres territoires possédés de vieille date. La voix du bon sens nous crie qu’il est plus sage, plus prudent et certainement beaucoup plus économique de consacrer nos premiers et persistans efforts à donner dès à présent toute leur valeur à ces belles terres de notre colonie algérienne située, avec ses 275 lieues de côtes, à l’autre bord de la Méditerranée, juste en face de nos ports du Midi ! Là, notre domination acceptée sans conteste par tous les cabinets étrangers s’est, peu à peu, grâce à de longs et glorieux efforts, imposée aux indigènes. Là s’étend, à trente heures de Marseille et de Toulon, un immense territoire sans limites bien précises qui pénètre jusque vers les régions inexplorées du centre de l’Afrique et dont les ressources infinies, loin d’être épuisées, sont, à l’heure qu’il est, presque inconnues encore et très insuffisamment explorées.

Déterminer de ce côté, même au prix d’importans sacrifices pécuniaires, un courant considérable d’émigrans français, telle paraît avoir été, depuis trois ans, la préoccupation de la chambre des députés et des ministres qui se sont, pendant cet espace de temps, succédé aux départemens de l’intérieur et des finances. Nous trouvons, de 1880 à 1883, les témoignages répétés de cette invariable pensée dans les rapports sur les affaires de l’Algérie des commissions budgétaires, comme dans les exposés des motifs des projets de loi, peu différens les uns des autres, qu’ont présentés tour à tour les divers cabinets ; et tous ces documens aboutissent à l’ouverture d’un crédit considérable qui ne monte pas à moins de 50 millions. Cette conclusion uniforme est peut-être excellente. Voyez toutefois la singularité ! A peine ce grand programme qui devait aboutir à la création immédiate de trois cents centres nouveaux a-t-il été pompeusement annoncé qu’il a produit le résultat inattendu d’arrêter presque absolument l’impulsion donnée antérieurement aux travaux de colonisation. Des devis avaient été dressés à l’avance, annuellement destinés, soit à fonder encore quelques autres villages, soit à compléter ceux déjà existant. Mais ces plans, devenus trop mesquins, étaient condamnés à être peu à peu et complètement mis de côté. On n’y renonça pas toutefois de prime abord. A la veille de l’un de ses départs pour Paris, dans la séance du 6 décembre 1880, à l’heure même où il prenait congé des membres du conseil supérieur, M. Albert Grévy se croyait en état de pouvoir mener les deux besognes de front. Tout en faisant pressentir l’adoption prochaine du nouveau système dont il revendiquait la paternité et qui, « sans charges nouvelles pour l’état, mettrait à la disposition de l’Algérie les capitaux