Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 58.djvu/859

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans la journée du 10 août; il n’eut pas de peine à expliquer cette confusion de noms. L’interrogatoire ne prit d’intérêt que lorsqu’il fut dirigé par Brissot et Gensonné. On comprend aux premières paroles qu’un duel à mort est engagé[1].

Nous ne citerons que les questions essentielles :

« BRISSOT. — J’observe à M. de Montmorin que la correspondance de Vienne des mois de septembre et octobre de 1791 annonce que l’empereur et le roi de Prusse s’étaient ligués contre la France; que l’un et l’autre auraient prêté des sommes considérables aux frères du roi, qui les empruntait en son nom et pour se rétablir dans ses anciens droits ; que cependant M. de Montmorin, dans son discours du 31 octobre, a caché tous ces faits à l’assemblée nationale. Je demande pourquoi,

« MONTMORIN. — La correspondance annonçait une convention entre les cours de Vienne et de Berlin ; le motif en était la détention du roi. Je prévins à plusieurs reprises le comité diplomatique de l’assemblée constituante. Sur mes provocations, l’on hâta les armemens. Lorsque j’eus l’honneur de parler à l’assemblée constituante, le 31 octobre, à l’occasion de ma démission, les choses avaient changé de face. L’empereur, qui avait provoqué la coalition par une circulaire dont je n’ai eu connaissance que par les papiers publics, l’empereur avait, par une autre circulaire, écrit aux mêmes puissances de suspendre l’effet de la première. Il avait même répondu à la lettre par laquelle le roi lui annonçait l’acceptation de la constitution, qu’il n’existait à cette époque aucun mouvement extraordinaire de troupes. J’ai donc dit la vérité lorsqu’on quittant le ministère, au mois d’octobre, j’ai annoncé à l’assemblée que nous avions des espérances de paix fondées. »

Gensonné, voyant que Montmorin peut être sauvé, intervient alors et lui demande comment, ayant été ministre des affaires étrangères jusqu’au 31 octobre, il a pu ignorer que les sollicitations des princes français auprès des puissances étrangères se faisaient au nom du roi et de concert avec lui.

« MONTMORIN. — Les sollicitations des princes français n’ont commencé à être réellement très vives qu’en juillet et août 1791. Je savais bien que c’était pour le roi qu’ils sollicitaient; je n’ai jamais su qu’ils aient pris son nom et je me plaignis amèrement, dans une dépêche à la cour de Vienne, de ce que l’on avait accueilli une intervention de leur part pour laquelle ils étaient absolument sans titre.

« GENSONNE, s’adressant au président de l’assemblée, Lacroix, —

  1. Moniteur, séance du 22 août 1792.