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états en 1801, lui laissa tous ses biens à gérer. Cette honorable conduite fut récompensée par la sympathie de toutes les têtes couronnées; toutes les cours de l’Europe se mirent en rapport avec lui; en peu d’années, on vit la maison prendre le plus grand essor; et dans plusieurs pays elle établit des succursales, donnant la première l’exemple d’une ubiquité dont rien ne remplace les avantages. Meyer Anselme laissa dix enfans, et ses cinq fils adoptèrent chacun une résidence particulière, mais demeurèrent réunis en une seule maison. L’aîné, Anselme, resta le chef de la maison de Francfort, berceau de sa famille; Salomon devint le chef de la maison de Vienne; Nathan s’établit à Manchester, puis à Londres; Charles à Naples et James à Paris. C’est à leur union et à leur réputation de loyauté qu’ils durent leur prospérité extraordinaire, laquelle n’a fait que croître sous leurs successeurs. Ils ont pris pour devise : Concordia, Industria, Integritas, et n’ont cessé d’y demeurer fidèles. Dès 1815, l’empereur d’Autriche avait anobli tous les membres de cette famille; en 1822, il leur conféra le titre de baron. Quelle est la force de cette union? Bien des curiosités se sont éveillées à ce sujet. Comme la maison ne publie pas de bilan, toutes les suppositions sont permises, et aucun calcul sérieux ne peut être établi sur l’actif de cette grande famille. Cela importe peu d’ailleurs : ce qu’il suffit de dire, c’est qu’aucune comparaison ne peut être établie entre l’influence exercée par les Rothschild et celle de tout autre banquier d’Europe ou d’Amérique. Ils peuvent à eux seuls émettre ou garantir les plus gros emprunts tant par leurs propres ressources que par le crédit dont ils jouissent ; ils sont véritablement les banquiers des rois et des peuples; et c’est en moins d’un siècle qu’ils ont conquis cette situation et se sont assuré un tel rang. Quelle récompense de leur travail et quelle puissance léguée à leurs enfans, alors qu’avec tant d’avantages personnels, ils jouissent du plus grand de tous, celui de faire le bien sur la plus vaste échelle et de distribuer les trésors d’une inépuisable charité, non seulement à quelques individus, mais en quelque sorte à une race entière qu’ils protègent et secourent partout !

Le nom de Mallet est plus anciennement connu que celui de Rothschild et figure à une date reculée dans les archives de Genève. M. Geliffe, auteur de notices généalogiques sur les familles de cette ville, cite une famille noble de ce nom résidant en Savoie ; mais celle de Genève vient de Normandie ; probablement après la Saint-Barthélemy, elle se réfugia en Suisse. En 1723, on retrouve un Mallet établi à Paris, rue Michel-Lecomte. La maison de banque Mallet père et fils, devenue maison Mallet frères, quitta la rue Montmartre, où elle était établie, pour s’installer au bruit du canon, le 10 août 1792,