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mis à un régime spécial assez différent du régime de toutes les autres villes. Est-ce qu’on n’a pas, d’ailleurs, sous les yeux un commencement d’expérience : cet essai d’autonomie communale qui s’est fait depuis quelques années ? Ce conseil municipal dont Paris jouit aujourd’hui a pu administrer, gérer avec plus ou moins de succès les intérêts de la cité : c’est, dans tous les cas, ce qui l’occupe le moins. Depuis qu’il existe, il a passé son temps à se faire un rôle de pouvoir politique, à entrer à tout propos en conflit avec l’état, à supprimer le budget de la préfecture de police, à mettre ses fantaisies de parti et de secte dans toute l’administration d’une ville de plus de deux millions d’âmes, dans l’enseignement, dans la bienfaisance, dans les services hospitaliers. Il s’est donné la satisfaction d’avoir une opinion sur la séparation de l’église et de l’état, et récemment encore il délibérait sur la reconstitution de la garde nationale. Aujourd’hui l’expérience est faite et la manière dont le conseil parisien a entendu jusqu’ici la vie municipale n’a peut-être pas peu contribué à décider le vote de la chambre contre tous les projets d’autonomie ou d’indépendance locale qui lui ont été présentés. Si le conseil municipal eût exercé ses droits avec plus de mesure et de bon sens, on aurait eu peut-être encore quelques scrupules. A l’heure qu’il est, on n’a plus hésité, on s’est rendu sans effort à toutes les raisons que M. le ministre de l’intérieur a exposées avec une certaine vigueur d’éloquence. Non-seulement on n’a plus hésité, mais on a fini par se demander ce que représentait réellement ce conseil d’aujourd’hui, composé, à quelques exceptions près, d’obscurs séides et placé par une sorte de dérision à la tête d’une ville comme Paris. C’est la seule moralisé de ces discussions récentes où le gouvernement n’a eu qu’à montrer quelque résolution pour se délivrer d’une difficulté, pour en finir avec ces fantômes d’autonomie communale et de mairie centrale.

Oui, sans doute, le ministère a eu un succès parce qu’il a combattu sans hésitation, et cela lui prouve tout simplement qu’en faisant acte de prévoyance politique, de virilité parlementaire, il ne court pas de si grands dangers. Si, cette fois encore, il eût procédé comme il l’a fait avec la proposition de M. Paul Bert sur les biens des communes affectés à un service religieux, s’il avait tranquillement laissé prendre en considération l’amendement sur la mairie centrale de Paris, il se serait infailliblement trouvé le lendemain dans un cruel embarras ; nul doute qu’un tel vote ne l’eût conduit peut-être assez vite à la déroute définitive. Il s’est sauvé par la résolution. Il se ferait cependant une singulière illusion s il croyait vivre et durer en résistant un jour dans les affaires de Paris, en se moquant même un peu du conseil municipal, et en se prêtant, d’un autre côté, à toutes les fantaisies, à tous les préjugés anticléricaux, en faisant des discours conservateurs