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grâce à une marine marchande aussi nombreuse qu’intelligente, sont expédiés par eux non-seulement dans toute l’Europe, mais aux États-Unis, au Brésil et même en Chine.

Les morues sont ou séchées ou salées ; dans un cas comme dans l’autre, on commence par leur couper la tête et les vider. Les têtes se vendent à des fabricans d’engrais ; les foies servent à la fabrication de l’huile médicinale ; les vessies sont employées pour faire de la colle de poisson ; quant aux œufs, qu’on désigne sous le nom de rogues, ils sont salés, mis dans des barils percés de trous et vendus comme appât pour la pêche de la sardine. La meilleure rogue est celle de Norvège, parce que lorsqu’elles arrivent sur les côtes de ce pays, les morues sont sur le point de frayer et ont leurs œufs en pleine maturité. Sur la côte de Terre-Neuve, au contraire, elles n’ont que des œufs insuffisamment développés et trop légers. Débarrassées des têtes et des entrailles, les morues destinées à être séchées sont liées deux à deux par la queue au moyen d’une ficelle et placées à cheval sur des perches dans des hangars ouverts. Elles restent dans cet état jusqu’à ce qu’elles soient assez sèches pour être transportées. Quand on veut les saler, on commence par les flaquer, c’est-à-dire par les ouvrir jusqu’à la queue afin de les aplatir ; puis on enlève l’épine dorsale et enfin on les entasse dans des barils en saupoudrant de sel chaque couche de poissons ainsi préparée. La morue qu’on prend le long des côtes se vend à l’état frais sous le nom de cabillaud.

C’est en Norvège aussi que l’on fabrique la plus grande quantité et la meilleure huile de foie de morue, avec les poissons qui proviennent des pêcheries des îles Loffoden. Les foies, après avoir été lavés et séchés, sont placés dans des boîtes de fer-blanc, enfermées elles-mêmes dans des boîtes plus grandes où l’on fait passer un courant de vapeur ; ils se liquéfient peu à peu en laissant échapper l’huile qu’ils contiennent, qu’on enlève au fur et à mesure et qu’on filtre avant de la mettre en baril pour la livrer à la consommation. La première huile obtenue est la plus claire et la meilleure, elle porte la dénomination de blanche supérieure ; celle qui vient ensuite a la couleur du vin de Madère et est désignée sous le nom de blanche ordinaire ; la troisième est d’un brun clair ; enfin la dernière, qu’on obtient avec les parties qui ont résisté à une première opération, n’est employée qu’au corroyage des peaux.

Le gouvernement français, pour favoriser le développement de la grande pêche et pour conserver la pépinière de ces marins courageux qui, dans les cruelles épreuves que nous avons traversées, ont sauvé l’honneur du pays, donne aux armateurs une prime de 50 francs par homme d’équipage pour la pêche de la morue dans les mers d’Islandeou de Terre-Neuve avec sécherie ; et de 30 francs