Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 61.djvu/674

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’on admet la conception des philosophes dynamistes, qui réduisent la matière à n’être plus qu’une abstraction, ce sont des systèmes de forces dirigées en sens contraires et se faisant équilibre. A chaque force on peut substituer une force égale. Les forces chlore, brome, iode étant égales à la force hydrogène, un atome de chlore, de brome ou d’iode peut être substitué à un atome d’hydrogène. On peut imaginer un système de forces disposées de manière à ce que plusieurs s’annulent entre elles et que la résultante soit égale à l’unité. Tels sont les radicaux organiques, véritables débris d’une molécule rompue, où plusieurs atomes de carbone et d’hydrogène sont associés de manière à laisser libre l’énergie d’un atome d’hydrogène. Ainsi, dans la benzine, à tout atome d’hydrogène nous pouvons substituer un atome de chlore et obtenir la benzine monochlorée, dichlorée, etc. ; un atome de brome, un atome d’iode, qui nous donneront des benzines bromées ou iodées ; ou bien encore un radical, tel que le méthyle ou l’éthyle : nous aurons ainsi la méthylbenzine ou l’éthylbenzioe, la diméthylbenzine, la triméthylbenzine, et ainsi de suite.

Ces théories permettent d’imaginer les longues séries de corps que la chimie organique a fait découvrir. Parmi ces corps, beaucoup sont maintenant employés par l’industrie.

Le premier industriel qui ait utilisé la benzine et indiqué les moyens de la fabriquer en grand, est l’Anglais Charles Mansfield. En 1847, il tira ce carbure des goudrons de houille par distillation. Il imagina un alambic fort ingénieusement disposé. Le col de cet alambic, avant de se recourber vers le serpentin, traversait une enveloppe remplie d’eau. Au début, cette eau était froide ; les vapeurs qui s’élevaient de la chaudière cédaient leur chaleur à l’eau et retombaient condensées. Mais peu à peu l’eau s’échauffait, et dès qu’elle avait atteint la température d’ébullition des carbures légers, ceux-ci commençaient à passer dans le serpentin.

M. Coupier, très-habile fabricant, dont les usines sont à Creil, améliora ce procédé. Il employa la colonne formée de plateaux superposés, imaginée par M. Dubrunfaut pour distiller l’alcool. Les tubes abducteurs pénétraient dans un bain de chlorure de calcium, maintenu au moyen d’un jet de vapeur à une température déterminée. C’était une sorte de réchaud où le mélange de gaz était conduit à sa sortie de la colonne de distillation ; certains gaz, trouvant une température inférieure à leur point d’ébullition, se condensaient et retombaient dans la colonne, tandis que d’autres continuaient leur route et ne se condensaient que dans le serpentin. En augmentant ou diminuant la chaleur du réchaud, M. Coupier obtient successivement les différens carbures.

La benzine, chacun le sait, est un liquide léger, parfaitement