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ingénieurs de l’état démontrèrent que, sauf des exceptions très rares, elle fut plus visible que profitable, soit au point de vue de l’exécution des travaux, soit au point de vue de la rémunération des ouvriers.

Ces échecs, constatés presque immédiatement, n’imposèrent point silence aux chefs du parti socialiste. Ceux-ci prétendirent que l’expérience avait été mal conduite, que les subventions étaient insuffisantes, que la commission avait rebuté par ses rigueurs les associations qui méritaient le plus d’être encouragées, enfin que les ouvriers, condamnés au salariat perpétuel, venaient d’être une fois encore les victimes de la réaction. Ils rappelaient que l’assemblée nationale avait refusé d’inscrire dans la constitution le droit au travail et de rayer du code, les dispositions qui faisaient obstacle aux syndicats et à la coalition des travailleurs. Ils dénonçaient les tendances antidémocratiques de l’assemblée législative élue en 1849 et les refus obstinés que la majorité opposait aux revendications des amis du peuple. Les socialistes rejetaient ainsi sur le gouvernement et sur l’assemblée la responsabilité des fautes commises et des échecs subis lors des premiers essais. C’était un moyen facile de se dégager devant les ouvriers. Quelques-uns, plus persévérans et plus convaincus, tentèrent d’organiser des associations en dehors du patronage officiel. Surexcités et secondés par la passion politique, ils invitèrent les travailleurs à s’émanciper eux-mêmes avec leurs seules ressources, par groupes corporatifs, pour l’honneur et pour le salut commun de la république et de la révolution. Ces appels demeurèrent à peu près sans écho. A la fin de 1850, on ne complaît à Paris, foyer de la prédication et de l’agitation, qu’une centaine de sociétés ouvrières, organisées à la hâte, dépourvues de capital et n’ayant aucune chance d’avenir ; la plupart d’entre elles pouvaient même n’être considérées que comme des sociétés de secours mutuels, recueillant des cotisations minimes pour les cas de maladie ou de chômage, mais tout à fait incapables de se livrer à l’œuvre de la production. En résumé, si l’on ajoute ces sociétés indépendantes aux sociétés subventionnées, on arrive à un total e cent cinquante à deux cents associations ouvrières, dont quelques-unes ne furent constituées que sur le papier, et dont la majeure partie n’eut qu’une durée de quelques mois. Tel fut le résultat du grand mouvement de 1848.

Est-il vrai, comme on le répète aujourd’hui dans les documens officiels, quelles premières associations ouvrières furent frappées, en même temps que la république, par le coup d’état du 2 décembre ? Cette allégation ne tient pas devant l’étude impartiale des faits. Les sociétés fondées de 1848 à 1850 succombèrent rapidement, parce