Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 61.djvu/801

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

partie fourni par la liste civile. Certes, rien ne devait être plus profitable pour les associations ouvrières que cette concurrence établie entre le gouvernement et les partis. On leur donnait des capitaux et du crédit, on ne leur demandait que des votes. C’était une bourse ayant la popularité pour but, une course au clocher, menée ardemment sous l’éperon de la politique, sans souci des obstacles. — Est-il besoin de rappeler à quoi aboutirent ces démonstrations, ces efforts, ces sacrifices ? Les sociétés coopératives ne se constituèrent qu’en petit nombre et bien peu dans des conditions durables. Dès avant 1870, la caisse d’escompte avait disparu, comme avait précédemment sombré une autre banque de crédit populaire ; la banque impériale était vouée au même destin si la liste civile ne l’avait soutenue jusqu’au 4 septembre. Finalement, résultat négatif, échec à peu près complet. A la fin de d’empire comme après 1848, le problème des associations ouvrières était encore à résoudre.


II

L’association ouvrière, sous la forme coopérative, avait obtenu du gouvernement impérial toutes les facilités, toutes les faveurs, qui auraient dû la rendre accessible et praticable pour la grande majorité des travailleurs. Après l’empire, la commune, maîtresse de Paris, adopta le principe ; elle décréta, le 16 avril 1871, que les chambres syndicales seraient chargées « d’élaborer un projet de constitution pour les sociétés coopératives ouvrières. » Ce décret ne pouvait être, comme tant d’autres décrets du même genre, qu’une vaine déclamation, mais il atteste que l’idée avait pris racine dans les ateliers et que la coopération conservait tout son prestige. Lorsque, par la défaite de la commune, les affaires politiques entrèrent à peu près dans l’ordre, il était permis de concevoir que cette forme d’association ouvrière, patronnée par les organes de la démocratie, recommandée par les anciens libéraux, (devait prendre quelque développement, et que la coopération allait se répandre et s’épanouir sous le régime de la liberté républicaine. Les circonstances étaient particulièrement favorables. Aux chômages forcés de 1870 et de 1871 succédait, de 1872 à 1874, une période de grande activité dans toutes les industries. Le capital reparaissait, fatigué d’une longue inertie et très ardent à réparer les pertes que la guerre et la révolution lui avaient infligées ; le travail abondait dans tous les ateliers. Par conséquent, l’association ouvrière rencontrait l’occasion de se constituer et de disputer à l’ancien système du patronat une clientèle impatiente et nombreuse. C’était bien le moment de prouver que l’association, la coopération, n’étaient point un mouvement factice. Plus que jamais la réalisation du système était rendue